Quand le bâtiment va, tout va. A moins qu’il ne s’agisse du tourisme ? A Saint-Barthélemy, la vieille formule (puisque datée du XIXe siècle) a visiblement perdu une partie de son sens. Particulièrement après avoir parcouru le rapport annuel de l’Institut d’émission des départements d’Outre-mer (Iedom) qui a été dévoilé jeudi dernier, le 17 octobre, lors d’une présentation en l’hôtel de la Collectivité territoriale. Car depuis le début de l’année 2024, tandis que le secteur du tourisme continue de se renforcer, celui du BTP (bâtiment et travaux publics) affiche un léger ralentissement. Une tendance 2024 qui confirme le constat dressé en 2023.
Explosion du trafic maritime de passagers
Lors du premier semestre de l’année 2024, l’Iedom souligne le recul –relatif– du trafic aérien par rapport aux chiffres enregistrés lors de la même période, l’année précédente. En effet, le nombre de passagers enregistrés entre janvier et juin s’élève à 117.153 contre 124.740 en 2023, soit une baisse de 6%. Rien d’alarmant, toutefois, quand il est précisé que le bilan du premier trimestre 2024 est plus élevé que ceux de 2019 (+11%) et 2017 (+10%). De plus, l’activité aérienne a évidemment été amoindrie en raison de l’absence d’activité de la compagnie Air Antilles. De fait, parallèlement, le trafic maritime de passagers a littéralement explosé.
Entre les mois de janvier et de juin de cette année, 137.803 voyageurs ont emprunté un navire pour débarquer ou embarquer à Saint-Barth. Contre 123.274 en 2023 sur la même période. Ce qui représente une hausse de 12%. Une augmentation qui devient presque vertigineuse si elle est comparée aux chiffres de 2019 (+41% en pré-covid) et 2017 (+21% en pré-Irma). Il en va de même pour le nombre de croisiéristes, qui progresse de 34% au premier semestre par rapport à 2023 tout en restant, cette fois, inférieur à celui de 2019 (-18%).
Hébergement locatif en augmentation
Toujours en matière de tourisme, le rapport de l’Iedom mentionne 21 établissements hôteliers à Saint-Barth, pour une capacité d’accueil d’environ 544 chambres. Les onze hôtels nantis de 5 étoiles concentrent 425 chambres. Selon une enquête de l’Observatoire du tourisme, en 2022, le taux de remplissage moyen des établissements était de 68,1% avec une durée moyenne de séjour de 5,5 nuits.
Selon les données fournies par la Collectivité et rapportées par l’Iedom, l’île comptait 1.113 villas à la location en 2023. Ce qui représente près de 4.572 chambres. En parallèle, Atout France comptabilise 3.900 logements offerts via les plateformes de vente en ligne. L’Iedom remarque que « l’offre d’hébergement locatif s’est étoffée en 2023 par rapport à 2022 (+14,7%) et 2019 (+56%). »
Par ailleurs, la taxe de séjour de l’hébergement touristique a rapporté plus de 15,9 millions d’euros à la Collectivité. Soit une hausse de 5,6% sur une année. L’Iedom souligne que le secteur hôtelier y a contribué à hauteur de 53% (environ 8,4 millions d’euros).
La consommation de ciment en forte baisse
Dans le même temps, comme indiqué plus avant, le secteur du bâtiment marque le pas. Comme le remarque l’Iedom, si la reconstruction post-Irma conjuguée à la forte attractivité de l’île auprès des investisseurs extérieurs ainsi qu’à la commande publique ont favorisé le dynamisme du secteur, celui-ci affiche au premier trimestre des signes de ralentissement. Ainsi, l’Iedom estime que, cumulée sur six mois à la fin du mois de juin 2024, la consommation de ciment est en baisse de 23,9% par rapport au premier semestre 2023. Or, le bilan global de l’année 2023 laisse également apparaître une diminution de -8% (-12,6% en 2022, déjà) de la vente de ciment ainsi qu’une chute de -16,5% du nombre de salariés dans le secteur de la construction.
Les crédits bancaires à la hausse
Si l’Iedom souligne la baisse de consommation des matériaux, son nouveau directeur pour la Guadeloupe et les Iles du Nord, François Groh, remarque que la demande immobilière reste stable. De fait, les crédits immobiliers «conserve une dynamique à la hausse » avec une croissance de 6,7% en 2023. Une tendance qui s’accentue encore au premier trimestre 2024 avec une hausse des crédits bancaires de 22% (979,1 millions d’euros) par rapport à 2023 (805,2 millions d’euros). 663,3 millions d’euros concernent des crédits aux entreprises (+30% par rapport au premier semestre 2023), qui sont pour l’essentiel des crédits à l’investissement et à l’habitat et immobilier. 297,8 millions des encours de crédits bancaires concernent les ménages et 18 millions «d’autres agents».
Les PGE en cours de remboursement
Pour faire face au choc économique lié à la crise du coronavirus, le gouvernement a mis en œuvre un dispositif exceptionnel de garanties permettant de soutenir le financement bancaire des entreprises, à hauteur de 300 milliards d'euros : le prêt garanti par l’État (PGE). A Saint-Barthélemy, 283 « entités » en ont bénéficié pour un montant total de 72 millions d’euros. Soit 6% du nombre total de PGE accordés en Guadeloupe et dans les Iles du Nord mais… 10% du montant global. Le secteur du commerce a bien entendu été le principal bénéficiaire du dispositif en nombre (29%) mais ce sont les hôtels et les restaurants qui, en termes de montant, en ont le plus profité (42%). L’Iedom précise que 96% des bénéficiaires sont « entrés en phase de remboursement ». Si l’encours reste de 47,8 millions d’euros, 9% des PGE ont déjà été remboursés intégralement et 76% devraient l’être sur une période de six ans.
1,5 milliard d’actifs financiers en banque
Les chiffres qui peuvent laisser rêveur sont sans nul doute ceux des actifs financiers ou, plus simplement, tout ce qui regroupe le patrimoine (avoirs en banque, titres, terrains, droits de propriété, etc). A Saint-Barthélemy, au premier semestre 2024, ces actifs s’élèvent à 1,54 milliard d’euros, soit une hausse de 12% par rapport à la même période en 2023. 814 millions sont détenus par les ménages (+4% sur un an), « essentiellement sous forme de dépôts à vue » (sur un compte bancaire, pour exemple), indique l’Iedom, qui précise : « Mais avec une part croissante des placements liquides à court terme qui sont devenus plus attractifs ». 642 millions des actifs concernent les entreprises (+15% sur un an) et 84 « d’autres agents ».
A la fin de l’année 2023, 35.304 comptes bancaires étaient enregistrés à Saint-Barthélemy. Soit 2.391 de plus qu’en 2022 (+7,3%). Toujours fin 2023, l’encours moyen d’un compte bancaire (hors assurance vie et comptes titres) à Saint-Barth était de 38,536 euros (-2,7% par rapport à 2022).
François Groh, directeur de l’Institut d’émission des départements d’Outre-mer pour la Guadeloupe et les Iles du Nord, constate que Saint-Barth « maintient sa stratégie de développement axée sur un tourisme haut de gamme tout en préservant son environnement unique et en modernisant ses infrastructures essentielles ». Néanmoins, il remarque que certaines de ces structures « présentent des signes de saturation après deux décennies de croissance rapide ».