Le quotidien régional référence des Antilles Guyane, France Antilles, est placé en liquidation judiciaire. Outre les 235 salariés de ce journal créé en 1964 qui se retrouvent sur le carreau, c’est un coup dur qui illustre les difficultés de la presse écrite, particulièrement en outre-mer.
Plus de quotidien pour les Antillais et Guyanais. C’est ce que signifie la liquidation actée jeudi dernier par le tribunal de commerce du groupe éditeur de France Antilles, qui éditait trois journaux en Guadeloupe, Martinique et Guyane. L’édition de Guadeloupe était également distribuée dans les Îles du Nord.
Ce sont 235 salariés qui perdent leur emploi, après des mois de bagarre pour tenter de sauver ce journal créé en 1964. Et ce sont des territoires entiers qui se retrouvent dépourvus de presse quotidienne régionale, une exception en France avec Mayotte. « Un pan du patrimoine de la presse martiniquaise et un des marqueurs clés de l'identité de notre pays s'effondrent », écrivait la rédaction de France Martinique en Une de son édition du 30 janvier. Les rédactions ont publié un dernier numéro le 1er février, vendu au profit des salariés désormais sans emploi.
Cette sombre issue illustre les difficultés que connaît la presse écrite, particulièrement en outre-mer. Outre France-Antilles, le Journal de l’Île de La Réunion a été placé en septembre dernier en procédure de sauvegarde par le tribunal de commerce. Début janvier, lors des traditionnels vœux du Président de la République à la presse, Emmanuel Macron avait évoqué ces difficultés. « Quelles que soient parfois les polémiques qui naissent, notre rôle est bien d'accompagner tous les plans de sauvetage de titres quand ils existent, parce que la défense du pluralisme va avec la démocratie, quelles que soient d'ailleurs les orientations des titres concernés. Des mesures spécifiques seront prises pour la presse en Outre-mer particulièrement fragilisée, qu'il s'agisse d'aides au pluralisme ou d'aide à la distribution. » L’Etat avait abondé de trois millions d’euros le plan de reprise de France Antilles, proposé par l’actionnaire principal AJR Participations. Cela n’aura pas suffi puisque ce dernier n’a pas réussi à lever le restant nécessaire, 1,3 million d’euros. « L’existence d’une presse pluraliste et diversifiée sur tout le territoire national est une exigence démocratique et le Gouvernement continuera à se mobiliser avec force en ce sens », ont écrit les ministres des Outre-Mer et de la Culture dans un communiqué commun, le 30 janvier.
Depuis l’avènement d’internet, la presse est fragilisée. Et pourtant l’accès à une information fiable et vérifiée n’a jamais été aussi déterminante. Car s’informer, c’est aiguiser son esprit critique, s’impliquer dans la citoyenneté et pour un territoire.
Et à Saint-Barth ?
En Martinique, Guadeloupe et Guyane, demeurent des chaînes de télévisions locales, des magazines, des radios qui emploient des journalistes et permettront quand même aux citoyens de s’informer, malgré la disparition de France Antilles. Saint-Martin compte plusieurs médias et journaux, et notamment le plus petit quotidien de France, le Pélican, qui tire à quelques centaines exemplaires chaque jour.
Sur notre île, le Journal de Saint-Barth, hebdomadaire créé en 1991, est le seul média qui traite l’actualité, avec la particularité d’être gratuit : lecteurs ou non, il vit exclusivement sur la vente d’espaces publicitaires. Imprimé à 3.000 exemplaires semaine sur les rotatives du Daily Herald à Sint-Maarten, il arrive en bateau le jeudi pour être distribué ; chaque édition est aussi téléchargée gratuitement par 2.500 lecteurs sur notre site. L’équipe est réduite : une directrice et commerciale, une journaliste et un correspondant pour la partie sports. D’où les inévitables suspensions ponctuelles de publication, en période de vacances... Et comme pour toutes les petites entreprises de Saint-Barth, la crise du logement entrave toute possibilité de développement.
Niveau pluralisme de l’information, on repassera ; mais avec seulement 10.000 habitants insulaires, donc autant de lecteurs potentiels, ce n’est pas forcément choquant. Reste que si le journal, qui ne fait pas partie d’un groupe de presse, et dont la situation économique est fragile, venait à disparaître un jour, les habitants de Saint-Barth n’auraient plus aucune source d’information indépendante sur l’actualité de leur île.