S’il est un rapport de la Cour des comptes qui n’est pas passé inaperçu ces derniers jours, c’est sans nul doute celui consacré au système de rémunération des fonctionnaires en Outre-mer. Adressé à la première ministre Elisabeth Borne mardi 12 septembre, le document épingle « un dispositif devenu inintelligible, inéquitable et insuffisamment mesuré sur le plan budgétaire ».
Les compléments de rémunération accordés aux fonctionnaires servant en Outre-mer ont été mis en place dans les années cinquante. Composés à la fois de majorations de traitement proprement dites et de diverses indemnités associées, ils visaient principalement à compenser le différentiel de coût de la vie entre l’Hexagone et les territoires ultramarins, à couvrir les frais liés à l’installation et à prendre en compte les sujétions propres à la vie outre-mer (conditions de vie, éloignement, isolement) puis, enfin, à développer l’attractivité des emplois en attirant les Hexagonaux et les jeunes diplômés locaux afin de renforcer les effectifs de cadres dans la fonction publique.
Selon la Cour des comptes, ce dispositif est désormais devenu « complexe, générateur d’inégalités entre les agents, mal mesuré sur le plan budgétaire et source de dérive et d’accroissement de son coût, de l’ordre de 1,5 Milliard d’euros pour les seuls fonctionnaires de l’État et les militaires, alors même qu’il ne répond qu’imparfaitement à ses objectifs initiaux ». La Cour préconise une simplification du régime des compléments de rémunération pour l’ensemble des fonctionnaires, militaires et magistrats compris.
Le rapport pointe du doigt «le foisonnement des indemnités » de compensation et estime nécessaire « un recadrage interministériel » pour repréciser les critères de justification des traitements. De plus, la Cour souligne un risque de dérive budgétaire, notamment en raison de l’imprécision des données sur les effectifs dans la fonction publique territoriale (estimés entre 46.398 et 69.100) et de la fonction publique hospitalière (de 29.832 à 30.400). De fait, le document laisse apparaître une inquiétude quant à la croissance des effectifs affectés en Outre-mer (+9% entre 2012 et 2020) qui a entraîné une augmentation « plus de trois fois supérieure du coût des compléments de rémunération pour le budget de l’État (+ 28%), pour atteindre un budget global de 1,51 million d’euros en 2020 ».
Par conséquent, la Cour des comptes estime que le système actuel est « un dispositif qui ne répond que trop partiellement à ses objectifs ». Et d’affirmer : « Les compléments de rémunération créent un marché de consommation garanti, permettant aux importateurs et aux distributeurs de maintenir un niveau de prix élevé, dans un contexte de faiblesse de la concurrence due à la structure oligopolistique des secteurs de la distribution. Plutôt que de lutter contre les effets de la vie chère, l’effet des compléments de rémunération sur les prix, la part de l’emploi public dans les territoires ultramarins mais aussi l’extension progressive au secteur parapublic et à une partie du secteur privé, sont autant de facteurs qui, en augmentant le coût de la vie, vont à l’encontre de l’objectif initialement souhaité. Ils accentueraient également les inégalités sociales au sein des sociétés ultramarines, entre les salariés qui bénéficient de cette disposition et ceux qui n’y ont pas accès. »
Dans ses recommandations, la Cour invite le gouvernement à simplifier et unifier le régime des compléments de rémunération outre-mer en le regroupant dans un texte unique applicable aux fonctionnaires d’État, aux militaires et aux magistrats, mais aussi à ajuster le taux de la majoration de traitement au différentiel de coût de la vie de chaque territoire et, surtout, à améliorer les facteurs d’attractivité. Notamment en prenant en compte des aspects précis tels que : l’éloignement et l’isolement, la sécurité, l’accès au logement, la scolarisation des enfants, le système de santé et l’accès aux soins, l’emploi du conjoint, la valorisation du séjour outre-mer dans le parcours de carrière, etc.