Saint-Barth - ines Bouchaut Choisy

Inès Bouchaut-Choisy : une femme qui ouvre la voie

Une cloche résonne au sein du Palais d’Iéna, à quelques pas du Trocadéro, à Paris. Dans le monumental escalier à double révolution, les ascenseurs dorés et les longs couloirs au tapis rouge, les membres du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) hâtent le pas pour rejoindre l’hémicycle. À 14h30 pétantes, ce 26 novembre, les 175 conseillers qui composent cette assemblée sont invités à délibérer sur un avis dédié aux violences faites aux femmes dans les Outre-mer. Co-rapporteure de cet avis, Inès Bouchaut-Choisy ajuste son micro pour répondre à un journaliste en amont de son intervention. Dans ses mains, elle tient son discours imprimé, avec les passages importants surlignés. « Je suis un peu stressée, mais ça va bien se passer », glisse-t-elle l’air serein. La cheffe d’entreprise monte à la tribune accompagnée de Viviane Monnier, avec qui elle a travaillé sur cette résolution. Les deux femmes prennent la parole face à une centaine de membres du CESE qui siègent dans l’hémicycle ce jour-là. « La violation des droits de l’homme la plus honteuse, se caractérise sans doute par la violence à l’égard des femmes, commence Inès Bouchaut-Choisy. Elle ne connaît pas de clivages géographiques, culturels ou sociaux. »

Un avis voté à l’unanimité
Inès Bouchaut-Choisy a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes, en particulier dans les Outre-mer, son cheval de bataille. Cet avis, voté à l’unanimité par les membres du CESE a permis de mettre en lumière les obstacles supplémentaires auxquels font face les victimes dans les territoires ultramarins, alors qu’elles sont plus nombreuses que dans l’Hexagone. Parmi les différents axes d'amélioration proposés dans cet avis, les rapporteures ont notamment demandé la nomination d’une coordinatrice interministérielle contre les violences faites aux femmes dans les Outre-mer, poste laissé vacant après la fin de la mission de Justine Bénin. « Il est indispensable que quelqu’un soit nommé rapidement avec des moyens dédiés, a insisté Inès Bouchaut-Choisy. Cette mission est essentielle pour garantir une bonne articulation entre le national et le local.»

La troisième assemblée de la République
Lorsque nous la retrouvons quelques semaines plus tard, dans la cantine bruyante mais chic du palais d’Iéna, Inès Bouchaut-Choisy glisse qu’une nouvelle coordinatrice a été nommée à ce poste. Comme quoi, le CESE peut faire bouger les choses. Cette institution est pourtant peu connue du grand public. « Le CESE, c’est la troisième assemblée de la République, après l’Assemblée nationale et le Sénat », explique celle qui a rempilé un deuxième mandat. Le CESE a pour but de conseiller les parlementaires et le gouvernement dans l’élaboration des lois et des politiques publiques. Le gouvernement peut saisir les conseillers s’il désire avoir leur expertise sur un sujet en particulier, mais le CESE peut également s’auto-saisir pour interpeller le gouvernement sur un thème particulier, comme c'était le cas pour les violences faites aux femmes dans les Outre-mer. « Nous sommes la chambre du temps long, nous rendons des avis en trois à six mois », souligne Inès Bouchaut-Choisy.

La première femme présidente du groupe Outre-mer
Nommée en 2015 pour représenter Saint-Barth, puis en 2021 en tant que conseillère du bassin atlantique, Inès Bouchaut-Choisy connaît bien le fonctionnement de cette assemblée qu’elle apprécie particulièrement. « Être au CESE, c’est avoir un large réseau de connaissances dans l’univers politique, mais aussi dans le monde associatif ou des syndicats, souligne la conseillère. Il y a énormément d’échanges, et on apprend beaucoup des autres. » En tant que membre de la délégation Outre-mer, Inès Bouchaut-Choisy a pu affiner ses connaissances sur ces territoires : « Je suis très fière d’être à cette fonction, et de pouvoir apporter ma vision sur des sujets qui me passionnent et que je maîtrise.» D’autant plus qu’elle a occupé le poste de présidente du groupe Outre-mer lors de son premier mandat. « J’étais la première femme à présider ce groupe», précise-t-elle, encore émue. Une lourde responsabilité dans un univers traditionnellement masculin. « C’étaient des challenges difficiles à relever, où il a fallu sans cesse se remettre en question pour avancer et diriger un groupe d’hommes d’une certaine pointure», ajoute la cheffe d’entreprise, en listant la présence du PDG d’Air Tahiti Nui, d’un avocat réunionnais ou encore d’un ancien député guyanais. « Je devais dire à ces hommes, non on ne fera pas comme ça, on fera plutôt de cette façon, raconte-t-elle en riant. C’était un exercice quotidien pour faire grandir mon assurance, puisque nous les femmes, on ne nous apprend pas à avoir confiance en nous. » Lors de la mandature Inès Bouchaut-Choisy, une réforme du CESE a modifié sa composition, le nombre de membres étant passé de 233 à 175. La présidente s’est alors battue pour que les conseillers du groupe Outre-mer puissent conserver leur place dans cette assemblée. Il est désormais inscrit dans la loi organique que le CESE doit être composé de «quarante-cinq représentants au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative, dont huit représentants des outre-mer ». « Quand je pense, au futur, je me dis qu’il n’y aura plus de débat sur la représentativité des Outre-mer dans la 3ème assemblée de la République, appuie la conseillère. Et ça, c’est ma signature.»


Mettre son savoir à contribution
Au cours des dix dernières années, Inès Bouchaut-Choisy était forcément moins présente sur l’île. « Je défends un tourisme durable, donc venir toutes les deux semaines ce n’était pas compatible », avance l’ancienne directrice du CTTSB. Son attachement à son île natale est toutefois profondément ancré, c'est pourquoi elle envisage un retour après la fin de son mandat, en 2026. « Tout ce que j’ai pu apprendre, toute l’expérience professionnelle dont je dispose, je veux la mettre à contribution pour mon île », déclare la sexagénaire. Notamment dans le domaine touristique où elle voudrait « bâtir une stratégie de développement touristique, dans la ligne du tourisme durable ». L’ancienne candidate aux élections législatives évacue d’un revers de la main de nouvelles ambitions politiques. La petite-fille de Mireille Choisy se voit plutôt dans la transmission : « Je veux montrer aux jeunes femmes de l’île que les portes ne sont pas fermées. Il faut briser ce plafond de verre et se dire que rien n’est impossible.» Son parcours en est la preuve. « Qui aurait pu imaginer une petite Saint-Barth à ce poste ? Pas moi en tout cas », s’exclame-t-elle les yeux brillants. Qu’elles soient à Saint-Barth, en Guyane ou dans l’Hexagone, les petites filles ont désormais l’exemple d’Inès Bouchaut-Choisy comme le modèle d’une femme qui a tracé son propre chemin.
   

 

Journal de Saint-Barth N°1611 du 10/04/2025

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