Appel au boycott, remarques acerbes, critiques virulentes… Tout au long de la semaine dernière, essentiellement en ligne, les restaurateurs de l’île ont été pris pour cible par de nombreux internautes sur les réseaux dits “sociaux”. Un déchainement de violence auquel des professionnels de la restauration implantés à Saint-Barth ont choisi de répondre. « C’est une chasse aux sorcières », peste l’un d’eux.
En réalité, tout est parti d’un article publié le 8 août par le site d’une revue en ligne de Floride baptisé Palmer (Palm Beach Reader). Relayé de manière relativement discrète, ce brûlot dénonce certaines dérives constatées depuis quelques années à Saint-Barth. Aussi bien dans la restauration que dans l’hôtellerie, la location de villa, etc. Tarifs devenus trop élevés, quiétude perdue, authenticité disparue, les plaintes apparaissent nombreuses à la lecture de l’article rédigé par le rédacteur en chef de Palmer, Michael Gross. Dans son édition de la semaine dernière (1530), le JSB s’est fait l’écho de cet article, tout en détaillant le contenu d’un communiqué de la présidente du Comité du tourisme, Pascale Minarro Baudoin. Elle y dresse le bilan de la saison touristique et y formule quelques remontrances aux restaurateurs dont les pratiques sont jugées irrespectueuses vis-à-vis de la clientèle de l’île. Une capture d’écran de l’article consacré au pamphlet de Palmer a été rapidement partagé et âprement commenté sur un réseau “sociaux”. Ce sont précisément ces commentaires, plus encore que le contenu de l’article de Michael Gross, qui ont poussé quelques restaurateurs de l’île à réagir.
« Balayer devant sa porte »
« Les gens font un amalgame entre les groupes et le management des établissements, se plaint un professionnel. Il faut quand même rappeler qu’il y a quelques années, certains restaurants étaient à vendre et personne ne voulait les racheter. A ce moment-là, l’arrivée des groupes n’a dérangé personne. » Tous se disent affligés par la violence des commentaires lus en ligne. « On est confronté à de la haine, souffle un restaurateur. Mettre les nouveaux propriétaires d’un côté et les anciens de l’autre, c’est absurde. » Un autre professionnel rappelle : « Il y a bien longtemps que Saint-Barth est citée comme étant l’île des milliardaires. Et ça bien avant l’arrivée de groupes de Saint-Tropez ou d’ailleurs. Saint-Barth ne s’est jamais cachée de vouloir vendre du luxe, de la qualité plutôt que de la quantité. Aujourd’hui, l’engouement pour ce tout petit territoire a peut-être atteint ses limites. Il faut se poser la question. »
Le fait d’être jeté en pâture à la vindicte publique incite ces restaurateurs à inviter chaque auteur de critique à « balayer devant sa porte ». L’un d’eux constate : « Tout le monde, sans distinction de ses origines, de son appartenance à tel ou tel territoire, est responsable de ce qui se passe aujourd’hui. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui se permettent de critiquer alors qu’ils s’en sont mis plein les poches en faisant du commerce de tout genre et d’énormes profits. Il suffit de regarder le taux horaire facturé par toutes les entreprises dans tous les secteurs. Croyez-moi, c’est bien plus élevé que le prix des crevettes ! » Tous dénoncent un « raccourci » qui consiste à s’en prendre aux seuls restaurateurs. Et de souligner une évolution globale de l’île qui ne peut être ignorée.
« Une tourmente injustifiée »
« Quand le loyer des restaurants étaient inférieurs à 10.000 euros, les prix étaient forcément différents, glisse un restaurateur. Aujourd’hui, ils dépassent largement les 20.000 euros par mois. » Il poursuit : « Et quand on cherche des logements pour nos employés et que le propriétaire d’une maison de quatre chambres vous demande plus de 15.000 euros par mois, on en parle ? Quand tous les petits commerçants vendent à des marques de luxe qui ouvrent des boutiques à Gustavia, tout va bien. Quand les prix augmentent sur les cartes des restos, là, ça ne va pas ! Demain, on peut aussi afficher les devis des personnes avec qui on travaille, le montant des loyers des personnels, ça va calmer tout le monde. Il faut arrêter de nous prendre pour des boucs-émissaires. On est plongé dans une tourmente injustifiée. »
Pour son voisin, ce qu’il qualifie « d’acharnement contre les restaurateurs » ne contribue qu’à « attiser de la haine » et à « scier la branche sur laquelle tout le monde est assis ». Et d’insister : « Ces attaques contre les restaurants ne sont qu’un prétexte pour masquer d’autres choses. Tout le monde a profité de ce que l’île offre comme opportunités. Encore aujourd’hui, elle peut être un accélérateur de vie pour ceux qui se lèvent et se bougent. »
Lorsque la question des dérives est évoquée, particulièrement celle des pourboires « forcés », un professionnel réplique dans l’instant. « Bien sûr qu’il y a des problèmes, reconnaît-il. Mais vous croyez que l’on ne vire pas des personnels qui se comportent mal ? »
Pour l’heure, ces professionnels de la restauration estiment qu’il « faut arrêter de jeter de l’huile sur le feu » et espèrent le retour d’un discours plus mesuré. Nul doute que la pause de l’intersaison s’avèrera bénéfique.