La saison 2023 avait débuté par un avertissement. Celui de la présidente du Comité du tourisme (CTTSB), Pascale Minarro-Baudoin. Dans une lettre ouverte, elle avait adressé un rappel à l’ordre et à la vigilance aux acteurs du tourisme de Saint-Barth. A l’instar de son prédécesseur, Nils Dufau, elle avait pris soin d’insister sur les dérives constatées dans certains établissements de l’île. Principalement en ce qui concerne les pourboires, les « tips ». Elle déclarait alors : « Je rappelle une fois de plus que le service chargé ou l’ajout d’un service réclamé est illégal. Le pourboire est laissé à l’appréciation de la clientèle. » Elle avait alors prévenu que « des contrôles inopinés » seraient effectués par les services de la répression des fraudes. Manifestement, certains n’ont pas accordé beaucoup de crédit aux avertissements de la présidente du CTTSB. A tort.
Des « tips » forcés
Tout d’abord, et il s’agit certainement de l’incident à prendre le plus au sérieux, pour l’établissement concerné mais également pour ceux qui pourraient l’être. Fin janvier, une plainte a été déposée en gendarmerie par des touristes. Après un repas dans un restaurant, lors de la présentation de la facture, on leur a fait comprendre qu’un pourboire inférieur à 30% de la note n’était pas acceptable à Saint-Barth. Une pratique rapportée par divers témoignages recueillis par le JSB auprès de clients qui expliquent que certains établissements leur « forcent la main pour verser plus de 20% en tips ». Intimidés par leur interlocuteur, les plaignants n’ont pas discuté. Ils ont réglé l’addition et le montant des «tips » illégaux. Ils ont toutefois eu la présence d’esprit de conserver la facture, qu’ils ont ainsi pu remettre à la gendarmerie lors du dépôt de leur plainte. « Cette plainte rejoint la problématique des pourboires et du service compris, commente Pascale Minarro-Baudoin. Certains clients ne trouvent pas normal qu’on leur force la main mais payent et ça ne va plus loin. Là, nous avons un témoignage, le ticket, la plainte. Il faut aller au bout. Plus il y aura de démarches de ce genre et de plaintes officielles, plus on pourra faire progresser la machine. »
Treize procès-verbaux dressés
Dans le même temps, ou presque, la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS) a effectué des contrôles entre le 31 janvier et le 2 février dans quarante établissements de Saint-Barth, dont 28 restaurants. Une descente de la répression des fraudes qui s’est soldée par treize procès-verbaux et l’observation de «pratiques commerciales trompeuses ». Dix procès-verbaux administratifs pour manquement aux règles d’information du consommateur ont été dressés, un PV contraventionnel pour non-respect des dates limites de consommation et deux autres pour des délits de pratiques commerciales trompeuses. Ces derniers « concernent des différences significatives entre les prix affichés, et ceux payés par le consommateur», écrit la DEETS dans un communiqué.
De plus, elle remarque que des cas qui peuvent « induire en erreur le consommateur ont été relevés en le poussant à consentir un pourboire au moment de régler sa note avec une ligne « tips » à compléter, sans qu’il ait eu l’information préalable que le prix du service était déjà inclus ». Une observation qui rejoint la problématique des pourboires évoquées plus avant.
« Ne plus prendre les clients pour des citrons »
Par ailleurs, la DEETS souligne que les non-conformités constatées portent essentiellement sur des défauts d’affichage des prix, ceci quel que soit le secteur d’activité contrôlé. Elle précise que, dans le secteur de la restauration, ses équipes de contrôle ont « déploré l’absence fréquente d’affichage » des allergènes, de l’origine bovine de la viande, de la mention du volume des contenants pour la vente du vin au verre, de l’affichage à l’extérieur des cinq vins ou à défaut des boissons couramment servies, de la mention du service compris sur la carte et, enfin, du détail de la note qui doit être remise à la fin du repas.
Contactée par le JSB, l’association des restaurateurs de Saint-Barth n’a pas souhaité faire de commentaire « dans l’immédiat ». Quant à la présidente du CTTSB, elle assure « ne pas être étonnée vis-à-vis des retours » de l’opération de contrôle. «Nous faisons un gros travail avec les restaurateurs et les hôteliers et c’est très bien que cette inspection ait eu lieu, ajoute-t-elle. Et il faut qu’elle soit renouvelée pour qu’on ne prenne plus les clients pour des citrons. On sait que certains restaurateurs ne sont pas dans les clous. » De nombreux touristes le savent aussi.
« On vient à Saint-Barthélemy depuis des années, confie un New-Yorkais amateur de bonnes tables. Aujourd’hui, on sait tous qu’on doit faire attention au moment de la note. A cause de ça, il y a des endroits où on ne va plus. » Quand des multi millionnaires commencent à vérifier leur addition dans le détail, il est sans doute temps de s’inquiéter.