Gérald Darmanin, ministre du Budget, a annoncé dimanche l’ajout de nouveaux territoires à la liste noire des paradis fiscaux, notamment nos voisins d’Anguilla et des Iles Vierges (sans préciser lesquelles). Saint-Barthélemy est souvent qualifiée, depuis la métropole, de paradis fiscal. Mais notre île ne figure que sur une seule liste noire, celle de la Belgique.
Il a anticipé le rapport rendu lundi par la Cour des Comptes, qui pointe les insuffisances de l’Etat en matière de lutte contre la fraude fiscale. Le ministre du Budget Gérald Darmanin a annoncé, dans le Journal du Dimanche, l’ajout sur la liste noire des paradis fiscaux de plusieurs territoires : Anguilla, les Bahamas et les Seychelles, jugés « pas assez coopératifs en matière de transparence financière ». Même chose pour les Îles Vierges, mais il n’a pas précisé s’il s’agit des Îles Vierges Américaines ou Britanniques. Seules les première figurent sur la liste noire de l’Union européenne.
Avec sa fiscalité particulière, l’île de Saint-Barthélemy est souvent qualifiée de paradis fiscal, depuis la métropole. Pourtant, « Saint-Barth n’est pas un paradis fiscal au sens officiel. C’est pour cette raison que l’île n’est sur aucune liste quasiment », explique Eric Vernier, spécialiste de la question*. « Mais les définitions officielles sont contestées et je suis le premier détracteur. La définition est si restrictive que les listes sont quasi-vides. Si je retiens des approches plus larges retenues par nous experts ou par les ONG, Saint-Barthélemy pose déjà plus de problèmes, car on peut s’y exonérer du paiement de l’impôt. En résidant plus de 5 ans, nombre d'impôts disparaissent. » Si l’île n’est pas un lieu privilégié pour l’évasion fiscale, elle peut accueillir des exilés fiscaux. Ils doivent cependant en faire leur résidence principale et mettront cinq ans avant de bénéficier de l’exonération de l’impôt français.
Saint-Barth sur la liste noire de la Belgique
Un seul pays a inscrit Saint-Barthélemy sur sa liste des paradis fiscaux : la Belgique. En additionnant les listes noires de tous les pays de l’Union européenne, plus de 80 pays sont considérés comme des paradis fiscaux. Mais l’Europe a établi sa propre liste qui réduit ce chiffre à quinze pays “blacklistés”, dont les Îles Vierges Américaines, ou Trinidad-et-Tobago. Une trentaine d’autres sont sur liste “grise”, c’est à dire qu’ils ont pris des engagements et font l’objet d’un suivi (les Bahamas, Anguilla, Montserrat, Saint-Kitts et Nevis, Saint-Vincent et les Grenadines, Sainte-Lucie...).
Chaque nation observe ses propres critères pour concevoir sa liste. L’OCDE** considère qu’un territoire doit réunir trois caractéristiques pour intégrer sa liste noire : une fiscalité inexistante ou presque, une opacité fiscale et une absence d’échange d’informations avec d’autres administrations. La pression fiscale est quasi nulle sur notre île, mais la transparence et l’échange d’informations ont cours.
Pour en revenir à la fraude fiscale en France, la Cour des Comptes estime que l’action de l’Etat s’est trop amincie ces dernières années : les sommes recouvrées atteignaient 10 milliards d’euros en 2013, contre 7,8 milliards en 2018. Beaucoup moins qu’en Allemagne et au Royaume-Uni. Par ailleurs elle souligne que le nombre de contrôles a diminué sur cette même période, tout comme les effectifs dédiés à la lutte contre la fraude fiscale.
(*) Eric Vernier, “Fraude fiscale et paradis fiscaux, quand l’exception devient la règle”, Dunod, septembre 2018. “Techniques de blanchiment et moyens de lutte”, Paris, Dunod, 2017.
(**) Organisation de coopération et de développement économiques, qui regroupe 36 pays développés.