Jacques Secrétin, Alex Dupont, Robert Herbin, Kobe Bryant... La liste des sportifs disparus en cette année 2020 était importante, elle est devenue colossale. Ces mardi 24 et mercredi 25 novembre, Christophe Dominici et Diego Armando Maradona ont quitté le monde des vivants, élargissant la “Dream Team” au service des cieux. Deux personnalités charismatiques, chacune dans son style, qui ont marqué leur sport et laissé d’impérissables souvenirs ici à Saint-Barthélemy.
Un membre du club travaillant au port de Buenos Aires aperçoit un pavillon suédois et propose ces couleurs pour le maillot du club de Boca Juniors. C’est en substance le seul lien étroit entre Diego Maradona, son club de cœur et le passé suédois de Saint-Barthélemy. Mais les souvenirs sont partout, puisqu’ils sont dans les têtes de la population insulaire. Après tout il est le Dieu du football, de manière incontestée. Sa relève ? Elle se nomme même Messi. Et à l’instar des prophètes, ce monsieur rassemble autant qu’il divise les foules.
« Quand je réfléchis à l’éternelle comparaison avec Pelé, je comprends pourquoi l’un est Roi et l’autre Dieu. Dans les mœurs, Dieu est en chacun de nous. Maradona il est chacun de nous, avec ses qualités, ses faiblesses... Un gars banal, un gars du coin, un gamin qui s’habille de manière quelconque, qui adore le foot, la fête, la vie. Mais quand il rentre sur le terrain il survole tout! Chacun pouvait croire être lui sur un terrain municipal un lendemain de cuite, mais il n’y a qu’un Dieu » résume parfaitement Stéphane Remille. Ce professionnel de la plongée sous-marine, âgé de 41 ans, ne relate de souvenirs conscients qu’à partir du Mondial 94. Compétition durant laquelle Diego Maradona revient d’une sorte de préretraite après avoir plutôt pratiquer la plongée “sous-narines”... « Je me souviens parfaitement du match face à la Grèce, après toutes ses histoires, ses déboires, il revient et plante un but en lucarne, la célébration qui suit où il arrive le visage revanchard face caméra... Là je me dis “ah ouais quand même...”, il a éclipsé son coéquipier Batistuta qui inscrit un triplé en Coupe du Monde tout de même ! » raconte-t-il d’un ton presque enfantin.
C’est une caractéristique indéniable d’El Pibe de Oro, malgré son mètre soixante-cinq il envahit l’espace. C’est ce que met également en avant Franck Roche, de l’Ajoe, tout jeune en 1986 : «J’ai commencé à suivre le football lors de ce mondial au Mexique. Mes parents m’avaient offert mon premier album Panini dans lequel je collais les photos des joueurs, que de souvenirs. En vérité, le match face à l’Angleterre pendant lequel est née la Main de Dieu, je ne l’ai pas vu en direct. Mais ça a fait tellement de bruit que l’on entendait parler que de ça, que de lui. » Tant et si bien que l’on en oublierait la violente prestation anglaise lors de ce match. Les Britanniques multiplient en effet les coups de coudes et les tacles appuyés. Trop peu pour déstabiliser le numéro 10 argentin qui inscrira un nouveau but incroyable, passant en revue pas moins de six joueurs adverses dont le gardien... Quatre ans après la guerre des Malouines, les Three Lions étaient tombés sur plus malin qu’eux.
Qu’on parle d’un tricheur ou d’un génie, tous s’accordent sur le fait que les qualités du meneur de jeu sont indéniables. En avance sur son temps, son contrôle du ballon demeure, pour n’importe quel fan averti, hors normes. Franck Roche, toujours aussi admiratif du footballeur poursuit : « C’était de la folie! Tout paraissait si simple en le regardant... il savait marquer après un rush, jouer en une-deux avec ses partenaires, être à la dernière passe, marquer sur coup franc et même sur corner rentrant! Il savait tout faire et il le faisait divinement bien. On ne pourra malgré tout pas oublier ses écarts, mais aurait-il été celui que dont on parle aujourd’hui sans cela? » Les scandales font aussi les mythes et bâtissent une réputation dans la postérité, après tout. Diego Maradona a influencé énormément d’Argentins, et de footballeurs à travers le monde. Sûrement a-t-il eu un impact sur les choix de carrières de bon nombre de dealers locaux...
« Scandale. » C’est le terme premièrement utilisé pour décrire Maradona de la bouche de Gilles Levallet, la vingtaine lors de ce fameux Mondial. « Il a envahi l’espace médiatique en trichant. C’était excessif, à son image. En France, on ne le voyait que très peu à cette époque à la télévision. Lui jouant à Naples en Italie on en avait quelques échos puisque c’était le concurrent de Michel Platini qui évoluait à Turin », relate l’homme de 55 ans, plutôt attaché aux valeurs de fair-play chères au rugby.
Dominici aussi
Lui l’ancien des Barracudas, avec qui il a remporté deux fois le championnat de Guadeloupe, préfère mettre en avant Christophe Dominici, une autre légende du sport, décédé mardi. « Un homme humble, sans qualités intrinsèques notables. Mais une teigne, un capitaine dans l’âme, un monsieur passionné par son sport et d’une fidélité sincère. » L’ailier français a pu écrire quelques-unes des plus belles pages du rugby tricolore. Dans un sport encore semi-professionnel à cette époque, où l’argent était bien moins présent que dans le football, l’amour du jeu et du maillot prédominait. C’est certainement cette ferveur qui a permis au tricolore d’un mètre soixante-douze de déplacer des montagnes. Comme lors d’une demi-finale de coupe du Monde en 1999, face aux néo-zélandais d’un Jonah Lomu (le Maradona du rugby) médusé. Le petit ailier bleu récupère un ballon tapé au pied par Fabien Galthié, résiste au placage adverse et s’envole vers l’en-but des All-Blacks pour donner un avantage définitif au XV de France, qui sera malheureusement défait en finale face à l’Australie. Cependant cet essai fera rentrer une certaine idée du French Flair dans les foyers français, soulignant l’importance du fighting spirit plus que les qualités physiques d’un joueur et d’un effectif.
Merci champions.