Pour sa deuxième participation, la mezzo-soprano Winona Berry, âgée de 22 ans, sort gagnante de la sixième édition du concours Voix des Outre-mer. La chanteuse de Saint-Barthélemy s’est démarquée face aux onze finalistes réunis à l’Opéra Bastille le samedi 24 février. Pour l'occasion, Winona Berry a choisi d'interpréter un air de Stephano, "Que fais-tu Blanche Tourterelle ?", extrait de l'œuvre du Roméo et Juliette de Charles Gounod. Quelques jours après sa victoire, Winona Berry s’est confiée au Journal de Saint-Barth sur son état d’esprit et ses perspectives. Entretien.
Comment est-ce que vous vous sentez ?
Je me sens claquée, très fatiguée. J’ai vraiment tout donné ces dernières semaines.
Comment s’est déroulée la soirée pour vous, dans les coulisses ?
J’étais assez inquiète pour cette édition, je ne me sentais pas forcément bien. Je pense que j’avais peur d’un autre échec. De toute façon, dans ma tête, je savais déjà que je n’allais pas gagner. Une des candidates, Marguerite Berger, qui représentait la Guyane, m’a beaucoup impressionnée. Quand j’ai entendu sa voix, pour moi c’était sûr qu’elle allait gagner. Je me disais c’est foutu, mais c’est pas grave, je vais faire de mon mieux. Je suis finalement montée sur scène, et là c’était comme si j’étais dans un tunnel. En sortant, je n’étais pas vraiment satisfaite de ma prestation.
C’est pourtant vous qui avez remporté le concours…
Ça explique le choc que j’ai ressenti quand j’ai reçu le prix. Au début, je n’ai pas pu me lever de ma chaise. Ensuite je me suis mise à pleurer. Les larmes, c’était surtout la libération de toutes les pressions que j’ai accumulées ces dernières semaines. J’avais tenté le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris (CNSM), mais je n’ai pas été prise, et il s’est passé beaucoup de choses dans ma vie personnelle. Quand on m’a donné le prix, c’est comme si on me faisait un gros câlin et qu’on me disait : ne t’inquiète pas ça va aller. C’était vraiment une délivrance.
Quel était votre objectif en vous présentant une deuxième fois ?
Pour moi, l’objectif était de présenter un morceau qui était plus difficile dans la technique. Un morceau qui montre une performance non pas émotionnelle, mais plus spectaculaire. La première fois que je m’étais présentée au concours, j’avais joué la carte de l’émotion. Là, c’était une manière de dire : si je repasse le concours, cette fois, je veux marquer vos esprits. Ma tenue, un costume rose, était plus lumineuse et le morceau choisi plus pétant.
Est-ce que c’était plus facile d’arriver en connaisseuse du concours ?
De mon côté, je voyais plus les inconvénients. (Rires). Quand tu repasses le concours, on t’attend au tournant. On t’a laissé un an donc on veut voir la progression entre les deux prestations. Mais c’est vrai que j’avais l’avantage d’avoir déjà vécu l’expérience, donc de savoir à quoi m’attendre.
Lors de la préparation à la finale, vous avez eu l’occasion de visiter l’Opéra Garnier, comment avez-vous vécu ce moment ?
J’avais eu la chance de le faire l’année dernière, mais cette année c’était beaucoup plus mystique je dirais. On a eu le droit d’être seul dans la salle de spectacle, et un des candidats a mis le morceau Casta Diva chanté par Maria Callas sur son téléphone, puisqu’elle a chanté sur cette scène. On s’est tous assis en silence et on a apprécié ce moment. C’était assez magique, c’est comme si on avait traversé le temps.
Dans votre carrière, qu’est-ce que ce prix vous apporte ?
Je pense que ce prix va surtout me donner une orientation vers le futur. Le CNSM était ma principale option donc je me retrouve un peu démunie pour le moment. Je pense que ce concours va m’ouvrir d’autres portes professionnelles. Je sais qu’il y a des gens qui m’ont entendu qui vont sûrement me donner des clés d’orientation. Par exemple, dans le jury, il y avait le directeur de l’Opéra de Paris, Alexander Neef. Je sais qu’il va rarement dans les jurys de concours, donc peut-être qu’il se souviendra de moi.
En ce qui concerne le prix en lui-même, je ne sais pas encore vraiment ce que ça implique. Mais je sais que j’ai gagné un billet d’avion. Je peux aller dans un des territoires d’outre-mer mais je peux aussi aller au Canada. C’est une des options qui m’intéresserait donc ça peut être l’occasion pour moi d’aller visiter des écoles là-bas.
Comment envisagez-vous la suite ?
Pour l’instant, je vais surtout dormir, pour pouvoir mieux penser. J’étais beaucoup dans l’extériorisation, quand on est sur scène on donne beaucoup de soi, donc je pense que j’ai besoin de retourner vers moi-même pour savoir où je veux aller. L’objectif, c’est petit thé et introspection.
