Le vendredi 28 mars, le député de Saint-Barth et Saint-Martin a participé à un entretien au sein du Ministère de la Culture dans le but “d’aborder les défis structurels et le manque de reconnaissance des spécificités culturelles” des îles du Nord. Lors de cette réunion, sollicitée de longue date par Frantz Gumbs, ce dernier a pu échanger avec Delphine Christophe, la directrice adjointe de cabinet de la ministre de la Culture, ainsi que Cyrielle Convers, conseillère parlementaire de Rachida Dati.
“Difficultés relationnelles”
Cette réunion était avant tout l’occasion de répondre aux demandes de la collectivité de Saint-Martin qui se plaint de “difficultés relationnelles” avec la Direction des Affaires Culturelles (DAC) basée dans la préfecture de Guadeloupe, mais qui a compétence sur Saint-Martin et Saint-Barth. “Puisqu’on a une préfecture de plein exercice pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy, pourquoi ne pas y installer une direction des affaires culturelles ?, a suggéré le député. Lorsque les grands services déconcentrés de l’État se trouvent à Basse-Terre, ils n’ont pas une conscience aiguë des réalités particulières de Saint-Martin et Saint-Barth.” Il assure que ses interlocutrices étaient réceptives à cette proposition.
Des dispositifs pas assez connus
Si un tel dispositif venait à être implémenté, le député assure que “la DAC exercera les mêmes compétences” que l’antenne régionale basée en Guadeloupe. “ Sauf qu’il y a une proximité qui rendra le fonctionnement plus efficace, avance Frantz Gumbs. Le Ministère de la Culture a de nombreux dispositifs, dont peu de personnes sont au courant.” Selon lui, avoir un interlocuteur dédié aux deux territoires permettrait aux acteurs culturels d’avoir plus facilement accès à ces dispositifs. L’occasion par exemple d’étendre l’utilisation du Pass Culture, sous-exploité dans les Îles du Nord qui ne bénéficient pas des infrastructures adéquates ou des informations nécessaires pour y prétendre.
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La réponse du groupe Saint-Barth d’Abord
« Lors d’un récent échange avec Madame Delphine CHRISTOPHE, Directrice adjointe de cabinet, et Madame Cyrielle CONVERS, conseillère parlementaire au Ministère de la Culture, vous avez abordé plusieurs sujets relatifs à la culture et au patrimoine des îles de Saint-Barthélemy et de Saint- Martin. À cette occasion, vous avez formulé plusieurs propositions, parmi lesquelles :
- Le renforcement de l’action de l’État sur les deux îles en matière de culture ;
- La création d’une Direction des Affaires Culturelles (DAC) partagée ;
- La mise en place d’un financement dédié et de programmes de formation pour les jeunes journalistes ;
- L’intervention de l’État pour la préservation du patrimoine ;
- Un accompagnement renforcé pour le déploiement du Pass Culture ;
- L’organisation d’une mission dédiée à la conservation des monuments historiques. Je me permets de vous faire part de mon étonnement face à ces propositions.
Si Saint-Barthélemy et Saint-Martin constituent certes une même circonscription législative, elles sont deux Collectivités distinctes, chacune porteuse d’une vision et d’un rapport à l’État qui lui est propre. C’est donc en tant qu’élue et membre de la Collectivité de Saint-Barthélemy que je m’exprime ici.
Le statut d’autonomie dont bénéficie la Collectivité de Saint-Barthélemy nous engage dans une logique claire : faire par nous-mêmes plutôt que d’attendre que l’État agisse à notre place. Les compétences que nous confère la loi organique nous permettent de gérer nos affaires locales de manière efficace, pragmatique, et adaptée à notre réalité insulaire.
La culture et le patrimoine demeurent aujourd’hui des compétences de l’État. Il est vrai que l’absence de transfert de compétence sur ce sujet peut parfois engendrer des lenteurs administratives, par exemple en matière de classement de bâtiments ou de fouilles archéologiques.
Néanmoins, à Saint-Barthélemy, la réponse ne consiste pas à demander une plus grande intervention de l’État, mais à explorer les voies d’un renforcement de notre autonomie, afin de nous affranchir de structures administratives souvent éloignées de notre réalité.
C’est dans cette logique que la proposition d’une DAC partagée entre Saint-Barthélemy et Saint- Martin ne correspond ni à nos besoins ni à notre philosophie de gouvernance. Notre Collectivité dispose de la compétence fiscale, et grâce au modèle économique que nous avons construit, elle bénéficie d’une capacité d’action suffisante pour initier, financer et soutenir des projets en faveur de la jeunesse, de la culture ou encore de la communication — sans avoir besoin de recourir à une coordination étatique.
C’est d’ailleurs l’ambition que porte notre Commission Culture, en lien avec nos actions en faveur des jeunes talents dans d’autres domaines comme le sport.
En matière de patrimoine, même sans compétence formelle, nous avons intégré dans notre Code de l’urbanisme des outils nous permettant de préserver certains éléments emblématiques de notre identité locale, comme les puits des Grands Fonds. Et si la Collectivité souhaite aller plus loin, elle peut le faire dans un cadre qui respecte sa logique d’autonomie et d’innovation institutionnelle, y compris en participant, sur la base d’un accord clair, à l’exercice de compétences de l’État. Pour vous citer cet exemple, l’église catholique de Lorient et de Gustavia, le Wall House, l’ancien tribunal suédois, le clocher suédois ont été rénovés sans recours de la DAC.
Dans cet esprit de faire nous-même et en lien avec la relation que nous souhaitons entretenir avec l’état, le 14 mars 2023, notre sénateur, Madame Micheline Jacques, Présidente de la Délégation aux Outre-mer, a fait adopter à l’unanimité une proposition de loi organique visant à permettre à Saint- Barthélemy de participer à l’exercice de certaines compétences régaliennes, notamment en matière de santé. Ce texte, soutenu par plusieurs sénateurs ultramarins dont M. Victorin Lurel, Mme Catherine Conconne, M. Stéphane Artano, Mme Anick Petrus, traduit une volonté claire : celle de maîtriser notre destinée.
Or, ce texte, aujourd’hui bloqué dans la navette parlementaire, n’a pas été repris à l’Assemblée nationale. Dès lors que vous vous exprimez au nom de Saint-Barthélemy, je m’interroge : Pourquoi ne pas avoir agi pour qu’elle soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée ?
L’article 39 de la Constitution précise que l’initiative des lois appartient concurremment au premier ministre et aux membres du Parlement. Je suis consciente que la difficulté de l’exercice de votre fonction est de tenir compte des spécificités de nos deux territoires, bien que faisant partie de la même circonscription. Une coordination étroite entre sénateur et député est donc essentielle, au-delà des appartenances politiques, pour défendre efficacement les intérêts de nos territoires.
Enfin, je tiens à rappeler que votre mandat est un mandat de représentation des citoyens. Dans cette optique, et au vu de la complexité et de la singularité de notre statut, je vous invite à échanger de manière directe et constructive avec tous les élus de Saint-Barthélemy. Ensemble, nous pourrons éviter des propositions inadaptées et travailler à l’élaboration de solutions concrètes, cohérentes avec nos choix politiques et avec l’intérêt de notre population. »
Un document signé par la cheffe de file du groupe, Alexandra Questel.
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La réponse du groupe Action-Équilibre
« Monsieur le Député de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin,
Nous avons été informés de vos interventions auprès du ministère de la Culture par le Journal de St Barth et même si un échange à ce sujet en amont aurait été pertinent, nous sommes favorables aux démarches que vous avez entreprises.
Les Collectivités de St Martin et St Barthélemy sont dépendantes des décisions prises par la DAC Guadeloupe en matière de fouilles archéologiques et de classement de bâtiments, qui, compte tenu de l’éloignement géographique, peuvent tarder et entrainer une perte de temps inutile.
Si nous avons bien compris votre démarche, et allant dans la même logique que l’État qui vient de créer une préfecture de plein exercice regroupant les deux collectivités, il serait bénéfique pour les deux collectivités que l’État y crée effectivement, une Direction des Affaires Culturelles.
La collectivité et les services de la DAC peuvent tout à fait travailler de concert pour faire rayonner la culture en général, et la faire partager par le plus grand nombre.
Comme vous le savez, nous avons notre propre commission culture au sein conseil territorial et votre proposition ne remet absolument pas en cause son action locale ou son travail.
Notre commission culture est très active, de nombreux projets visant à valoriser notre patrimoine local et à développer la culture sous toutes ses formes ont été menés et sont en cours, des manifestations culturelles sont organisées tout au long de l’année. La commission travaille en liaison avec les associations locales qui sont très dynamiques.
La Collectivité leur attribue les moyens nécessaires afin qu’elles mènent à bien leurs projets et les accompagne sur le plan administratif et matériel dans l’organisation de leurs manifestations.
Pour nous, la compétence « culture » ne saurait se résumer à une ligne budgétaire, mais plutôt à faire connaitre la richesse qu’offre tous les territoires de la République tout en réagissant rapidement lors des procédures administratives de la DAC.
Pour nous, votre proposition semble aller dans le bon sens et nous vous en remercions.
En conséquence, nous attendons la réponse que l’État ne manquera pas de vous apporter dans la partie administrative de la compétence culture, et restons à votre disposition pour échanger sur ce sujet, comme sur tous les autres sujets, qui peuvent avoir un impact sur notre collectivité et sa population.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur Le Député, l’expression de nos salutations les meilleures. »
Un courrier signé par Bettina Cointre, deuxième vice-présidente de la Collectivité territoriale et présidente de la commission culture.