Saint-Barth -

Tristan de Haenen : « Durant plusieurs années il m’a raconté son incroyable existence »

Pour écrire cet ouvrage avec Philippe Esnos, le petit-fils de Rémy de Haenen, Tristan, s’est basé sur le récit de son grand-père, ainsi que des photos et documents que ce dernier lui a transmis, avant son décès en 2008.

 

La publication de ses aventures était-elle une volonté de Remy de Haenen ?

Les aventures de Rémy ont toujours suscité l’admiration et la fascination des habitants de l’île, mais également au-delà de l’arc antillais. Durant les dernières années de sa vie en République dominicaine, ma compagne et moi-même passions nos vacances avec lui. Il nous a fait découvrir l’île du nord au sud, dans ses moindres recoins. Tous les jours, nous prenions le petit déjeuner à 8h. Un matin, il m’a demandé de le rejoindre dans sa chambre et de m’asseoir sur le coin de son lit. Il est venu me rejoindre avec un album photo et a commencé à me raconter l’histoire de sa vie. À partir de ce moment-là, à chacun de mes séjours, durant plusieurs années il m’a raconté son incroyable existence. Tout cela se passait avant que, grâce à l’aide de Bruno Magras, président du conseil territorial, je prenne la décision de le rapatrier à Saint-Barthélemy. C’est donc tout naturellement que j’ai choisi de transmettre son histoire et de lui rendre hommage.

 

« The Flying Gentleman » est rédigé à la première personne ; vous êtes-vous basé sur des écrits, un récit oral, des documents ?

Nous avons décidé avec Philippe Esnos, le coauteur du livre, d’écrire à la première personne, car l’intégralité du contenu du livre est basée sur ce que m’a raconté mon grand-père, des séances d’interviews et des photocopies de documents. Philippe Esnos a bien connu mon grand-père et toute cette époque. Il était le meilleur choix pour m’aider dans cette aventure littéraire et donc pour plonger le lecteur dans la peau du personnage.

 

À quel point l’histoire est-elle romancée ? D’ailleurs, doit-elle se lire comme un roman ou une biographie ?

Le livre n’est pas un roman. C’est un récit biographique qui relate sa vie aventureuse dans toute sa complexité et qui se lit, me dit-on comme un roman.

 

Que répondez-vous aux détracteurs de votre grand-père, qui l’accusent d’être venu en aide à l’armée allemande en 39-45, et plus tard d’avoir été un porte-drapeau Front national à Saint-Barth ?

Quand cette polémique est sortie, suite au changement de nom de l’aéroport pour celui de Rémy de Haenen, une minorité de personnes malveillantes a signalé qu’il aurait pu ravitailler des sous-marins allemands pour une poignée de dollars. Mais il se trouve que Rémy est un patriote qui a servi dans la marine nationale pendant la Deuxième Guerre. C’était également un défenseur de la liberté qui n’a pas hésité à risquer sa vie à plusieurs reprises contre les régimes dictatoriaux dans la mer des Caraïbes et d’Amérique Centrale. Rémy n’était pas un homme d’argent, et encore moins corruptible, ce qui en a énervé plus d’un pendant sa mandature, car ils voulaient s’attirer ses largesses. Ces rumeurs sont issues de vieilles querelles politico-financières datant de plus de 40 ans et qui avaient pour but de déstabiliser mon grand-père (il en fallait plus pour le déranger). En ce qui me concerne, je connais la réalité des faits, mais je ne souhaite pas mettre en cause des personnes décédées. Je laisse cela aux malveillants. Aujourd’hui, un amalgame est fait entre le patriotisme de mon grand-père, qui s’est exprimé à un moment précis par un soutien à Maître Tixier Vignancour, et cette rumeur calomnieuse. Le choix de soutenir Maître Tixier Vignancour était surtout lié au désir de mon grand-père d’asseoir et de pérenniser le statut de l’île. De plus, si on s’intéresse à cette époque et à la carrière politique de Tixier Vignancour, on découvre qu’il s’est allié à la gauche pour l’élection présidentielle de 1965 face au général de Gaulle, et à appeler au second tour à voter François Mitterrand. L’unique objectif de Rémy était donc de protéger Saint-Barth et ses habitants. Une très grande majorité des Saint-Barths lui est reconnaissante aujourd’hui pour tout ce qu’il a initié et entrepris pour l’île. Je sais qu’il aurait aimé être là en ce moment pour remettre à leur place ses délateurs. Mais, il savait qu’on ne fait pas de politique sans être traîné dans la boue par ses adversaires et cela ne lui a jamais fait peur. Enfin et pour conclure, Rémy avait un casier judiciaire vierge, et il s’est vu décerner par décret du 19 février 1999, la médaille de l’aéronautique. C’est une légende et un grand homme qui a marqué l’île à tout jamais.

 

Raymond Magras, Charles Querrard… Les personnes citées dans l’ouvrage ont-elles été informées au préalable, ont-elles lu le texte ?

Raymond Magras et Charles Querrard sont cités dans le livre sur une retranscription d’affiche publique qui a servi officiellement aux élections de 1973. Pour le reste, il s’agit de notes et courriers de mon grand-père datant de cette même époque. Personne n’a lu le livre avant sa parution. Pour l’instant je n’ai eu aucun retour sur ce point ni des Saint-Barths ni des personnes mentionnées.

 

Saint-Barthélemy a bénéficié d’une sortie du livre en avant-première ; quels sont les premiers retours des lecteurs ?

La sortie exclusive du livre à St Barth, le 10 août dernier, a été un événement important. Les Saint-Barths se sont replongés dans le passé et d’autres ont découvert des pages d’histoire de l’île. J’ai été très touché par tous les témoignages qui m’ont été faits. Bien évidemment, j’en ai fait part à Philippe Esnos, mon coauteur. Pour être parfaitement honnête avec vous, 2.000 exemplaires du livre ont été vendus en trois semaines. J’ai ressenti que les habitants étaient heureux de s’évader et d’être fiers de leur île, surtout après Irma...

 

Une diffusion plus large de l’ouvrage est-elle prévue à l’avenir ?

Des personnalités du monde politique, des affaires, de la littérature et des médias ont beaucoup apprécié le livre. Il y a une volonté réelle des médias français de faire partager au plus grand nombre cette belle histoire et cette personnalité hors du commun qu’était Rémy de Haenen. Je travaille actuellement à une version corrigée (dans la forme) pour une sortie prochaine dans les pays francophones, puis aux États-Unis l’année prochaine.

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« The Flying Gentleman », vaudeville caribéen narré par Rémy de Haenen

« The Flying Gentleman » se lit comme un roman. A la première personne du singulier, Rémy de Haenen raconte sa vie telle qu’il l’a vécue. Quels que soient les événements contés, l’ancien maire de Saint-Barth a toujours le beau rôle. Mais ses aventures sont narrées avec une légèreté et une distance qui confèrent au livre une drôlerie plaisante. On sourit souvent au fil de ces 419 pages.

Exemples, la description de ses tentatives de chasse à la baleine à bosse dans les eaux de Saint-Barth à l’aide d’un canon d’artillerie, ses va-et-vient à bord de son premier avion nommé « Cucaracha », la création en toute illégalité de sa compagnie aérienne, la CAA basée à Tintamarre, son enrôlement par l’armée française pendant la guerre… « Armer des marins avec des bâtons pour repousser l’armée allemande, il faut l’avoir vécu pour le croire », écrit-il. Les fonctionnaires et élus de toutes sortes, Etat, Guadeloupe et autres, appelés « ces Messieurs de l’administration», en prennent pour leur grade à chaque occasion. Les femmes, « petites alliées » essaimées dans différentes îles, se pâment devant le « gentleman ».

Les coutumes pittoresques des Saint-Barths

Les anciens retrouveront l’île de Saint-Barthélemy telle qu’elle n’existe plus (ou peu) aujourd’hui. « Côté social les Saint-Barths ont des coutumes pittoresques. Ils se réunissent sur le port le samedi matin où les coiffeurs reçoivent leurs clients en plein air et les principaux commerçants, armateurs ou autres notables prennent les décisions avec le maire. Pour clore ce paragraphe qui pourrait narrer de nombreuses anecdotes toutes plus burlesques et cocasses, j’évoquerai un personnage familier à tous les habitants de Gustavia : Miss Dinzey, une vieille anglaise très distinguée qui, au premier étage de sa maison, professe gracieusement des cours d’anglais chaque matin à tous ceux qui le souhaitent, En résumé, Saint-Barthélemy est une manière de vivre dans un environnement difficile, et pourtant il se dégage une qualité de vie exceptionnelle et de vraies valeurs. Ma décision est prise, c’est ici que je décide de m’installer ! » La pêche à Corossol, la construction de l’Eden Rock, le premier atterrissage à Saint-Jean au milieu des moutons. Le dernier chapitre de « The Flying Gentleman » est consacré aux années politiques de Rémy de Haenen, qui se concluent par son élection comme conseiller général, maire, puis candidat déçu aux élections locales. La famille Magras et l’ancien maire Charles Querrard ne sont pas épargnés.

« The Flying Gentleman» ne se limite pas à Saint-Barth et Tintamarre. Ses aventures l’entraînent à Cuba, Porto Rico, République dominicaine, jusqu’au continent sud-américain. Avec des raids aériens contre les dictateurs, des associations avec des révolutionnaires, de la contrebande… Une somme de rencontres et péripéties abracadabrantesques. A lire comme un vaudeville plus que comme un ouvrage historique.

 

 

> « The Flying Gentleman », 419 pages, édition Bartolomeo, 24 euros, disponible dans plusieurs magasins de Saint-Barth, notamment Barnes et Marché U.

 

 


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