De l’opéra-théâtre de Clermont-Ferrand, Winona Vettraino Berry est repartie avec deux prix : celui du public et celui du jeune public de la ville. Alors, certes, la chanteuse mezzo-soprano n’a pas décroché le prix Didon et Enée qui était décerné à la fin de la 28e édition du concours international de chant de Clermont-Ferrand, mais c’est avec la satisfaction d’avoir conquis son auditoire que l’artiste a repris la route.
Pour arriver jusqu’à la finale, Winona a franchi plusieurs étapes de sélection au cours desquelles elle a su se démarquer au milieu de plusieurs centaines de candidats. «L’ambiance était bienveillante», insiste Winona. Face au jury et au public, tout au long de la semaine du 7 au 12 avril, l’artiste a enchaîné les prestations. En phase éliminatoire, elle a interprété « Ah! Belinda, I am pressed with torment », un extrait de Dido and Æneas de Henry Purcell. Puis un texte sur pervers Narcissique d’une lettre anonyme. En demi-finale, elle a proposé un extrait de Don Quixote de John Ecclès (« I burn, my brain consumes to ashes »). Puis, en final, elle s’est produite à deux reprises avec un extrait de Werther de Massenet (« Va! Laisse couler mes larmes ») et un autre de Dido and Æneas de Henry Purcell (« Thy hand Belinda… When I am laid »). « A chaque étape il y avait du public, raconte Winona. C’est très important pour moi car le public m’aide à me sentir plus à l’aise. Ce n’est pas comme une audition dans le blanc des yeux avec le jury. On est dans les conditions du spectacle et ça donne envie d’interpréter encore plus les morceaux. »
« J’ai été profondément touchée »
Malgré l’angoisse d’une participation à un tel concours, Winona retire la satisfaction d’être allée au bout de l’épreuve. « Je voulais aller au moins jusqu’à la finale », assure-t-elle. D’autant plus qu’elle était, du haut de ses 23 ans, la plus jeune des candidates. « J’étais inquiète pour la finale car la mort de Didon est un morceau très difficile, très connu, et il faut toujours apporter sa pierre à l’édifice, raconte l’artiste. C’est un morceau qui correspond à un certain âge, une certaine maturité que je n’incarne pas encore à mon âge et que je ne pouvais chanter qu’avec ma voix actuelle. » Pour sa seconde interprétation, Winona n’avait pas choisi de se faciliter la tâche, comme elle l’explique : « J’ai choisi l’extrait de Werther de Massenet parce que c’est un personnage qui faisait écho à Didon et comme je postulais pour ce rôle, je voulais que l’on puisse se projeter en moi. Sauf que Charlotte, ce n’est pas encore un rôle pour moi. Trop tôt pour l’interpréter. C’est un morceau très exigeant et qui est dans des notes qui ne sont pas forcément dans ma tessiture. Du coup, je n’étais pas très sereine et je me suis aperçu que je n’avais pas forcément choisi les bons morceaux. Mais pendant mes prestations, je n’ai pensé qu’à une chose : toucher le public. » Cependant, sur scène, elle a le sentiment qu’elle n’arrive pas à produire ce qu’elle espère. « Je suis sortie de scène, je suis allée aux toilettes et j’ai beaucoup pleuré, confie-t-elle. J’étais déçue de ne pas avoir réussi à transmettre ce que je voulais transmettre. J’ai appelé ma mère, je me suis relâchée et je suis allée écouter les autres candidats. » Arrive ensuite la longue attente avant la promulgation des résultats.
Les lauréats défilent sur la scène pour les différents prix du concours, sans que son nom soit prononcé. Dans les coulisses, Winona est assise quand, soudain, elle entend qu’on l’appelle pour le prix du jeune public. « Je ne savais pas qu’il y avait ce prix, affirme-t-elle. C’était trop mignon car il était décerné par des enfants. Ce sont eux qui viendront nous écouter plus tard, donc c’est important. Là, je suis sur scène, je suis contente, et on m’appelle encore pour le prix du public ! Cela a été un gros choc. J’étais tellement déçu de ma prestation. J’ai été profondément touchée. Je suis partie sur un petit nuage. »
Désormais, Winona est dans l’attente de trois confirmations. Celle d’une école de Berlin, en Allemagne, une autre de l’Académie de Bordeaux pour une production en 2026, puis une réponse pour intégrer une licence à Nice. « J’ai aussi un projet concert avec le conservatoire qui s’appelle Clarmen, sourit l’artiste. Nous y chanterons des airs de Carmen avec uniquement des clarinettes. On a eu quelques répétitions et ça va être super. On va faire une mise en scène avec un Don José mais qui ne tuera pas Carmen. Je chanterai deux airs, dont la fameuse Habanera, l’amour est un oiseau rebelle. » Le 23 mai, elle passera une audition à l’Opéra-Comique pour se montrer à plusieurs directeurs, dans le cadre de Génération Opéra.
Un autre spectacle d’importance attend Winona : celui qui marquera la fin de ses six années de conservatoires et lui permettra d’obtenir son Diplôme d’études musicales. Un spectacle car l’épreuve ultime prend la forme d’un récital. « On est en train d’apprendre les textes et ça va être très drôle », s’enthousiasme-t-elle. Sa véritable vie d’artiste pourra ensuite commencer. Avec ses incertitudes mais aussi et surtout ses joies. Comme celle de séduire, encore et toujours, le public.