Saint-Barth - Michael Zimmer the Camp

Michael Zimmer, une histoire de Saint-Barth

Son nom n’évoque sans doute rien à la jeune génération. Les plus anciens, en revanche, ont certainement gardé en mémoire son visage et de nombreux souvenirs. Comme beaucoup avant et après lui, quand Michael Zimmer découvre Saint-Barthélemy en 1968, il en tombe immédiatement amoureux. Au point de s’y installer, moins d’un an plus tard. Il va y créer « The Camp », à Saint-Jean, un lieu qui s’est ancré dans l’histoire de l’île. Par sa conception, son esprit de liberté, son inventivité et sa convivialité. « Le Camp » réunissait des femmes et des hommes venus de nombreux horizons : des artistes, des architectes, des originaux mais aussi des personnalités locales. Ce pan de l’histoire de Saint-Barthélemy, le musée territorial du Wall House propose de s’y plonger à partir de ce vendredi 22 décembre et jusqu’au 28 février, par le biais d’une grande exposition. Celle-ci sera constituée de peintures, de dessins, de calligraphies et de vidéos. Des œuvres inédites qui ont toutes été réalisées à Saint-Barth dans les années 1970.

De l’Allemagne à New York
« Cette exposition a pour but de rendre hommage à un homme qui a participé à faire de Saint-Barth cet endroit prisé de la haute société intellectuelle new yorkaise, de retracer son parcours », explique le directeur du Wall House, Charles Moreau. Une exposition qui est organisée en partenariat avec l’association Saint-Barth île d’art, Fergus McCaffrey et Bill Katz.
Michael Zimmer est né à Heidelberg (Allemagne), en 1934. Il est le plus jeune fils d’une grande famille d’intellectuels autrichiens. Son père est Heinrich Zimmer, spécialiste du sanskrit et indologue, et sa mère Christiane est la fille du poète et librettiste Hugo von Hofmannsthal. Sentant le vent tourner depuis quelques années, la famille Zimmer parvient à fuir l’Allemagne nazie en 1939 et s’installe à New York. Michael grandit dans le West Village et intègre Harvard pour y suivre des études d’architectures.
Lorsque celles-ci s’achèvent, il entame une carrière qui sera brève. Il s’aperçoit très vite que les compromis qu’implique une telle profession ne sont pas de son goût. Il décide alors de changer de vie.

Un terrain pour 20.000 francs
En 1967, avec son épouse et leur fils qui vient de naître, Michael Zimmer quitte la grosse pomme. Grâce à la vente d’un tableau reçu en héritage (« Yo Picasso », célèbre autoportrait de l’artiste espagnol), la famille Zimmer récupère près de 300.000 dollars. De quoi «voir venir »… Au cours de leurs pérégrinations, ils débarquent à Saint-Martin en 1968. Naturellement, leur curiosité les pousse à effectuer la traversée jusqu’à Saint-Barthélemy. Un coup de foudre plus tard, en 1970, Michael Zimmer achète un terrain situé au bout de la plage de Ti Saint-Jean à Henri Gréaux. Pour une somme qui prête à sourire aujourd’hui : 20.000 francs.
En ces temps lointains au cours desquels l’esprit des visiteurs et nouveaux arrivants était davantage tourné vers la simplicité, la respiration et le partage, pas question de bâtir une villa en béton avec piscine. Sur son terrain, Michael Zimmer façonne un lieu qu’il va baptiser « The Camp ». Il est constitué de cases érigées sur le sable, à quelques mètres de la plage, sous les palmiers, d’une cuisine en plein air et d’un jardin tropical. Un esthétisme propre à l’île, en somme, auquel s’ajoute une volonté très « hippie », disait-on à l’époque, d’intégrer la nature environnante en la perturbant le moins possible.

Les « portes » du Camp toujours ouvertes
En ce lieu unique, Michael Zimmer convie ses amis new-yorkais, artistes, architectes et créateurs, à le rejoindre pour travailler sur leur œuvre, parler, réfléchir, mais aussi et surtout vivre joyeusement. « C'était un exemple visionnaire de « style de vie vert », ainsi qu'une pièce de théâtre savamment chorégraphiée que Michael mettait en scène, fumant, parlant, toujours un verre de rhum à la main, toujours amusant et généralement entouré d'une bande d'amis émerveillés », peut-on lire sur un site en ligne consacré à Michael Zimmer (http://themichaelzimmerarchives.com). Mais « Le Camp » n’est pas un site réservé aux New-Yorkais en visite. Ainsi, les « portes » sont toujours ouvertes et de nombreux Saint-Barth se joignent à la troupe mouvante. Marius Stakelborough ou Loulou Magras, par exemple, se mêlent aux artistes de passage parmi lesquels on retrouve la peintre Elaine de Kooning, Walter di Maria, Brice Marden, Jean-Michel Basquiat ou encore Julian Schnabel. « Il régnait une ambiance très hippie, décontractée mais très intellectuelle », souligne Charles Moreau. L’aventure dure près de 25 ans. Puis l’île change, peu à peu.
Lorsqu’elle tend à devenir un site de rassemblement pour les célébrités, Michael Zimmer s’éclipse. Ainsi, au début des années 1990, il vend le terrain du Camp et s’envole pour Grand Manan, au Canada. Il y crée le Musée de la sardine et du hareng dans une ancienne fumerie de l’île Fundi. Un lieu devenu patrimonial. Michael Zimmer décède le 12 octobre 2008 à l’âge de 74 ans.
L’exposition présentée par le Wall House sera constituée de pièces issues de prêts exceptionnels concédés par deux artistes majeurs : Brice Marden et Julian Schnabel. Le vernissage aura lieu ce vendredi 22 décembre à 18h30.

Journal de Saint-Barth N°1546 du 21/12/2023

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