Saint-Barth -

La filière soudure de Saint-Barth cartonne

Deux soudeurs de l’île ont fait évoluer leur profession vers l’art, et le public semble très réceptif. Un troisième basé à Saint-Martin avait montré la voie.

Jean Martin, 31 ans, a quitté sa profession de soudeur il y a un an, pour devenir artiste. Aurélien Gambade, 34 ans, mécanicien de formation et soudeur à Saint-Barthélemy, pourrait bien suivre le même chemin, à terme, sous son pseudonyme Dvis Dformes.

Les deux hommes ont commencé à créer, en dehors de leurs heures de travail, des sculptures, en utilisant leurs compétences de soudeurs. Aujourd’hui leurs œuvres, connues de tous sur l’île, se vendent bien. « Quand je suis arrivé il y a six ans à Saint-Barthélemy, je travaillais pour la société Boatinox », raconte Jean Martin. « On faisait surtout des garde-corps, des pergolas… J’ai demandé à mon patron d’utiliser l’atelier pour faire des sculptures. » Dix mois plus tard, voilà Jean Martin qui signe sa première exposition, au Guanahani. « J’avais réalisé une vingtaine d’œuvres plutôt abstraites. Mon objectif était d’en vivre, mais les quatre premières années, je n’en ai vendu qu’une seule… » Les choses ont bien changé depuis : la série de Jean Martin réalisée à partir d’écrous en inox a connu un large succès. Qu’il s’agisse de petits objets type presse papier, d’une valeur d’environ 200 euros, ou de pièces plus imposantes, comme le squelette taille réelle, à 10.000 euros, son art se vend. « J’ai arrêté totalement de travailler dans le bâtiment il y a un an. » Le travail de Jean s’expose et se vend dans différentes galeries, notamment celle de l’association Artists of Saint-Barth à Saint-Jean. La riche clientèle de Saint-Barth est friande de ce genre d’art. « Il y a plein de villas ici qui n’attendent que d’être décorées. C’est sûr que dans mon village en Normandie, j’aurais sans doute eu plus de mal. »

Aurélien acquiesce. Résident de Saint-Barth depuis quatre ans, il a transformé sa passion de la mécanique en art. « En France, déjà, je faisais des petites figurines, avec des pièces récupérées. J’ai fait une petite chouette pour ma mère, une de ses amies l’a vue et m’a commandé un footballeur, puis un travailleur pour célébrer un départ en retraite… » Aux Antilles, son art évolue. « Je travaille toujours à base de matériaux que je récupère dans les garages, chez les serruriers... Ici, les pièces sont différentes, plus grosses… » Donc, les œuvres aussi. L’inspiration aussi s’est adaptée à notre île. « Avant, j’étais dans le milieu ouvrier. Là, c’est davantage le milieu naturel. » Sa première sculpture, un iguane. Ont suivi le pélican, la tortue… Si Aurélien Gambade ne sculptait que pour son plaisir, c’est Emmanuel Leprince, directeur de l’association Artists of Saint-Barth, qui a repéré l’une de ses œuvres et l’a poussé à exposer. Lors de la Transat AG2R 2016, un visiteur est tombé sur une sculpture de bouledogue, taille réelle, et a flashé. « C’était la première grosse vente de l’association », se souvient Emmanuel Leprince. « On n’avait pas encore fixé le prix… » L’œuvre se vendra 4.000 euros. « C’était hyper gratifiant », reconnaît celui qui se fait appeler Dvis Dformes.

« Cette filière soudure est assez spécifique à Saint-Barthélemy », assure Emmanuel Leprince. « On réfléchit à exposer en direction des yachts, et à l’étranger. » En attendant, sur l’île, les deux ouvriers reconvertis en artistes ont déjà de quoi faire. Dans la même villa, récemment, un couple s’est offert quatre œuvres d’Aurélien Dvis Dformes, et deux de Jean Martin. Pas de concurrence : leur travail, s’il utilise la même technique, est très différent. Le premier réalise « des soudures basiques, visibles. Je cherche à garder voire accentuer cet aspect brut, la torture de la matière. » Sur les œuvres du second, les soudures sont tellement discrètes qu’on croirait que l’assemblage d’écrous tient avec une colle forte.

Jean s’est lancé et vit désormais, grâce à sa formation de six mois en soudure, de son nouveau statut d’artiste. Aurélien, lui, préfère pour l’instant la stabilité du salariat, mais ne manque pas de féliciter son homologue pour s’être lancé. Et ne cache pas que l'idée lui a déjà traversé l'esprit...

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Et Mickael Doudeau à Saint-Martin

Le Saint-Martinois Mickael Doudeau, membre de l’association Artists of Saint-Barth, est aussi un fer de lance de la filière sculpture métal des îles du Nord. Ce mécanicien moto, installé aux Antilles depuis ses 18 ans, récupère toutes les pièces possibles pour sculpter. Il a lui-même bricolé son four pour travailler différents métaux, et aujourd’hui, ses œuvres ont tapé dans l’œil de nombreux amateurs d’art : exemple avec ce palmier en inox, grandeur nature, qui a un temps siégé près de la piscine de l’hôtel Le Christopher… Et a même servi de décor à un shooting photo des célèbres Daft Punk.


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