Le Samsara, voilier en bois construit en 1924, mouille à Saint-Barthélemy depuis deux mois. Pour faire vivre ce bateau historique, ses propriétaires ont créé une association qui propose des navigations à la carte.
Audrey, Thomas, Maya et Titouan : voilà une petite famille qui n’a pas choisi la facilité. Depuis trois ans, elle vit sur le voilier Samsara, âgé de 95 ans, et s’efforce de faire vivre ce navire de bois chargé d’histoire.
Le Samsara s’appelait Argus lorsqu’il a été mis à l’eau au Danemark, en 1924. Année qui a aussi vu la mort de Lénine, la rédaction par Adolf Hitler de Mein Kampf, la naissance de Charles Aznavour, Marlon Brando ou encore Raymond Barre. Pendant ce temps en mer du nord, l’Argus, bateau de type Hajkutter, part à la pêche. Son numéro de série S421 est toujours visible sur la grand voile, le S indiquant sa provenance, la ville de Skagen. A l’époque il s’est construit environ un millier de bateaux de ce type. Les pêcheurs scandinaves utilisaient des filets de fond pour ramener principalement des poissons plats. Les prises devaient arriver vivantes au marché pour pouvoir être vendues ; les pêcheurs emplissaient les cales d’eau de mer pour les conserver, jusqu’au retour au port.
Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, le Danemark, pays neutre bien qu’occupé, poursuit ses affaires et vend du poisson aux Allemands. Après 1950, l’Argus change de main plusieurs fois, toujours propriété de pêcheurs professionnels. En 1963, il sort très abîmé d’un accident en mer, et de fil en aiguille, est abandonné et se détériore. Un charpentier hollandais tombe sous le charme du vieux gréement, et décide de le retaper. Une opération qui durera pas moins de quinze années, car l’artisan met un point d’honneur à n’utiliser que les méthodes traditionnelles.
« On est allés au-delà de ce dont on rêvait »
Rebaptisé Monika, le bateau est finalement vendu à un
compatriote, qui fignole l’aménagement intérieur. Samsara
(re)naît, en 1995. Et change de nouveau de propriétaire. Un Anglais en manque
de soleil lui fera traverser l’Atlantique, et le voilà
dans les Antilles. Avec là aussi, des aventures rocambolesques à son actif...
En 2016, un jeune couple arrive en Martinique avec sa petite fille de moins d’un
an, Maya. Thomas et Audrey ont un rêve : vivre sur un voilier, naviguer. « On
est allés bien au-delà de ce dont on rêvait », sourit le père de famille,
au soleil couchant, assis sur le pont de ce magnifique deux-mâts. Une occasion
rare qu’ils ont saisie sur un coup de coeur. « Pourquoi
faire simple quand on peut faire compliqué… »
Entre temps, un second enfant, Titouan, a rejoint l’équipage. Et les quatre voyageurs s’échinent à entretenir ce bateau tout de chêne, de frêne et de résineux pour les mâts. Tout propriétaire de bateau sait que la chronophagie et le prix de cette passion peuventvite s’envoler. Alors, avec tout ce bois, matière on ne peut plus vivante, 35 tonnes de poids total, 21 mètres de long et 4,5 de large, ces six voiles… Chaque année, à la saison cyclonique, direction le sud de la Caraïbe, moins risqué. « Il n’est pas si compliqué que ça à manier. Finalement, quand on tire sur une corde, on voit tout de suite à quoi elle correspond », assure Thomas. « C’est très instinctif. »
Le couple a créé une association pour couvrir les frais d’entretien de son navire. Thomas et Audrey emmènent touristes et locaux en balade. Certains à la journée, avec des initiations à l’utilisation de toutes ces voiles. D’autres pour quelques heures, le soir, le temps d’un apéritif au coucher de soleil. Le bateau sert aussi de décor à des shootings photo, des soirées privées entre amis, des dégustations de rhum. Tout est imaginable sur ce large pont qui peut accueillir jusqu’à trente passagers. D’autant plus que les prix pratiqués par le couple restent complètement raisonnables, surtout à Saint-Barthélemy. « Ce n’est pas facile tous les jours, un tel navire à entretenir. On le fait travailler, pour que le Samsara continue de naviguer, avec son histoire. »
> Plus d’informations sur le site www.samsara1924.com et sur la page Facebook “Samsara 1924”.
JSB 1316