Autour du cou, ils portent tous sur leur tenue blanche, « la croix de Johnny », réplique d’un pendentif porté par le chanteur, qui représente un guitariste crucifié. Certains sont même venus avec le bracelet Johnny, les boucles d’oreille Johnny, les bagues Johnny, le sac à main Johnny et le masque Johnny. Ils ont d’ailleurs leur propre Johnny, Joan Ducrocq, sosie involontaire de la star. « Ça doit être le bouc, dit-il en montrant sa barbe. Et puis on a mêmes origines wallonnes. De toutes façon Johnny, je suis fan depuis que j’ai sept ans, mes parents l’écoutaient, j’ai toujours été comme ça. »
« Souvenirs, souvenirs », fredonne Béatrice Coupel en l’écoutant. Elle a la voix « cassée », par l’émotion, et d’avoir trop chanté sur la tombe de son idole.
C ‘est aussi ça qui lie le groupe, la chanson. C’est Joan qui mène, sa voix autant que son physique ressemble à celle du « boss », comme il l’appelle.
« Quand Johnny est mort, ça a été un révélateur, il s’est dit qu’il fallait monter sur scène pour faire vivre sa mémoire », raconte Sandrine, sa femme. Ça ne fait que deux ans que ce cinquantenaire ose se produire en public. « Quitte à se ridiculiser », tempère, un peu timide, Joan. « Johnny aussi était réservé. »
Faire revivre le chanteur, c’est aussi interpréter ses chansons oubliées. « Quand Joan les chante, on se dit "Oh ! C’est vrai qu’il a fait cette chanson-là, qu’on retrouve et qu’on adore " », commente Annick Duhaupas, 73 ans. Sa préférée, c’est Derrière l’amour, sortie en 1976. Elle est venue, malgré ses craintes – « c’est ma première fois en avion, ma première fois en bateau », malgré ses problèmes de santé, accomplir un rêve, « dire au revoir à Johnny ». Plus jeune, quand elle avait « 17-18 ans » et le chanteur « 24-25 », elle avait assisté à un concert à Abbeville, chez elle en Picardie. L’idole des jeunes avait lancé à son public cravate et chemise, elle tenait un morceau de manche mais les fans le lui ont arraché. Le lendemain, comme seul souvenir du concert, Annick s’est retrouvée avec le poignet gonflé, marque de la bataille pour une relique de la star. « Mais c’est pas tout, raconte-leur la suite », insiste Sandrine, la femme de Joan. « Il y avait une fille que j’aimais pas, qui avait un bout de sa chemise, j’ai pris un bouton de celle de mon père et j’ai fait croire qu’il appartenait à Johnny. Elle m’a donné le bout de chemise contre le bouton ! »
Cette fois-ci, c’est eux qui ont un cadeau pour Johnny. Dans leurs valises, ils ont transporté une guitare en bois signée de leurs noms, des plaques funéraires et quelques galets. Certains viennent d’inconnus, qui ont contacté Joan par Facebook et ne pouvaient pas faire le déplacement. Grand fan, le maire d’Abbeville, Pascal Demarthe, a donné à Joan un petit caillou gris, sur lequel il a écrit son nom avec application. Et puis, ils ont chanté une chanson, Marie, avant de se mettre en quête d’un point de vue sur la maison de Johnny. Le soir même, en rentrant à Saint-Martin, ils ont vu sur Facebook que leurs présents pour le « boss » avaient été déplacés, posés derrière la tombe.