Deux des plus grands poètes français qui, à partir d’un désaccord littéraire, sont devenus irréconciliables sur le plan politique : c’est ce que raconte le Martiniquais Guy Deslauriers, invité d’honneur du Saint-Barth Film Festival, dans son documentaire « Césaire contre Aragon ».
«La difficulté, quand on parle d’Aimé Césaire, est de raconter une histoire qui n’ait pas déjà été dite », avoue Guy Deslauriers, invité d’honneur du Saint-Barth Film Festival. Il montrera, samedi, son dernier documentaire “Césaire contre Aragon”. Le matin du même jour, il sera au centre d’une causerie sur le sujet, au Repaire. « En passant en revue sa vie de poète et d’homme politique, nous (il a travaillé avec Patrick Chamoiseau, ndlr) sommes tombés sur ce moment où il a tourné le dos au parti communiste, dans les années 50, dont il était pourtant un membre éminent. Et bien sûr, cette histoire fait apparaître de façon incontournable Louis Aragon », poursuit Guy Deslauriers. « Tout est destiné à rapprocher ces deux hautes figures intellectuelles et grands écrivains. »
Jusqu’à ce que Louis Aragon ne veuille faire appliquer à la littérature et la poésie le principe de réalisme socialiste, par opposition aux surréalistes d’André Breton qu’il a quittés au début des années 30. Il s’agit de promouvoir dans toute œuvre les valeurs du communisme soviétique, en respectant à la lettre les normes classiques de la poésie (rimes, vers, etc.). « Pour Aimé Césaire, il n’y a aucune raison que la poésie soit encadrée, si nobles soient les objectifs de cette mise sous tutelle. » Une première rupture de l’auteur anticolonialiste avec le communisme soviétique. Rupture définitivement consommée lorsqu’il apprendra les exactions menées par Staline dans les années 50, et se retrouvera, selon ses mots, « plongé dans un abîme de stupeur, de douleur et de honte ».
Pas besoin d’être un spécialiste
« Au-delà du travail d’archives qui a consisté à réunir les faits de l’histoire, il fallait pouvoir la raconter, lui donner chair », explique Guy Deslauriers. Avec Patrick Chamoiseau, ils ont passé un an et demi à collecter des archives, d’abord dans les réseaux classiques (Parti Communiste, INA, Pathé Gaumont). « Ensuite, cela a été un véritable travail de fourmi, beaucoup plus large. Nous sommes allés chercher des documents visuels aux Etats-Unis, à Haïti, en Pologne, Suisse, France, Belgique… » Le but : mettre en images cette relation houleuse entre deux grands hommes pour que leur histoire parle au plus grand nombre. Guy Deslauriers l’assure : son documentaire est accessible à tous, connaisseur ou non. « Il n’y a absolument pas besoin d’être un spécialiste ni de Césaire ni d’Aragon pour entrer dans le film. Notre objectif était vraiment d’être le plus clair possible, très ouvert. D’ailleurs, on se rend compte dans les projections-débats que le public, sans aucune connaissance de la question, adhère à cet affrontement, au récit de la trajectoire de deux grands hommes de conviction. »
Programme en bref
- Jeudi 2 mai “Sergio et Sergei” à 20 heures à l’Ajoe
- Vendredi 3 mai, courts métrages de Steve & Stéphanie James au théâtre du Paradis à 14 heures
“De mémoires d’anciens” à 20 heures à l’Ajoe
- Samedi 4 mai, causerie sur Aimé Césaire avec Guy Deslauriers à 10 heures au Repaire
“Césaire contre Aragon” à 14 heures au théâtre du Paradis
“Roma” à 20 heures à l’Ajoe
> Programme détaillé et synopsis des films dans le cahier spécial ci-après et sur www.stbarthff.org.