Il devait s’agir de l’un des grands plans de la mandature. Celui qui devait permettre de résoudre, par des étapes successives, l’épineux problème du logement sur l’île. Ou, plutôt, du manque de logements à la fois disponibles et financièrement abordables. Au final, rien. Ou presque. A tout le moins, rien qui puisse perdurer dans le cadre du «Plan d’urgence » imaginé par les élus du conseil territorial et voté le 13 juillet 2023. D’évidence, l’urgence invoquée n’en était pas véritablement une. Pas au point, quoi qu’il en soit, de trouver les moyens d’unir des efforts de travail et de réflexion. Aussi, le fameux et désormais révolu Plan d’urgence logement est arrivé à son terme après le rejet de sa prorogation (prolongation) lors de la séance du conseil territorial du jeudi 5 septembre.
Avant même qu’elle ne débute, la réunion ne s’annonçait pas sous les meilleurs auspices. Car si la prolongation du “Plan d’urgence logement” est arrivée jusqu’en séance, ce n’est qu’en raison de l’insistance du groupe Action-Équilibre. Les élus du groupe constitué par Marie-Hélène Bernier pour la campagne électorale de mars 2022 ont ainsi exigé par courrier l’examen de cette prolongation. Une première fois le 31 juillet, puis une seconde le 13 août. Le président de la Collectivité, Xavier Lédée, n’a dès lors plus eu d’autre choix que celui d’inscrire la délibération rédigée par le groupe Action-Équilibre à l’ordre du jour du conseil territorial.
Délai expiré
Le premier problème qui s’est posé lors de l’examen de la délibération, mais qui n’a pourtant été évoqué que tardivement lors de la séance, est que le délai de validation du plan avait expiré depuis fin juillet. En effet, dans son article premier, la délibération du 13 juillet 2023 stipulait que la commission d’urbanisme devait élaborer et proposer «dans le délai maximum d’un an à compter de la délibération » un projet d’ensemble comprenant des dispositions réglementaires à insérer dans le code de l’urbanisme, de l’habitation et de la construction. Aucune de ces conditions n’étant remplie le 5 septembre, il paraissait donc difficile de proroger le plan. Un état de fait qui, en revanche, n’a pas empêché les élus de s’écharper sur les responsabilités des uns et des autres.
Echange d’amabilités entre Xavier Lédée et Maxime Desouches
A commencer par le président Lédée et son quatrième vice-président, Maxime Desouches. D’emblée, les deux élus ont échangé des reproches. Maxime Desouches en affirmant qu’il ne comprenait pas pour quelle raison la prolongation du “Plan d’urgence logement” n’avait pas été inscrite à l’ordre du jour d’un conseil territorial avant son expiration. « C’était le point le plus important de la mandature en termes de contrôle », a-t-il insisté. Et le président de répliquer qu’il n’avait reçu aucun compte-rendu des différentes réunions menées par la commission d’urbanisme sur le sujet. « Le travail pour fournir la teneur des échanges n’a pas été fait », a ainsi affirmé Xavier Lédée. Pourtant, Maxime Desouches l’assure : « Tous les rapports étaient disponibles au service de l’urbanisme depuis un certain temps. » Sereinement, Xavier Lédée rétorque : « Je n’ai reçu aucun procès-verbal des réunions. » Et de s’adresser à son quatrième vice-président : « Tu as démissionné de la présidence de la commission, ensuite tu as empêché les commissions de se tenir. Oui, nous sommes en retard parce que le travail n’a pas été suffisant. La partie habitation du code n’a pas été travaillée. Tu n’as pas travaillé. » Il va sans dire que Maxime Desouches ne pouvait en rester là. « Cette façon de se défausser sur les autres, c’est assez insupportable, lance-t-il. Tout cela est de la responsabilité du président. On perd du temps, on cherche des excuses. Nous, on a fait sept réunions, du travail a été fait. Mais si la tactique est de tout reporter à demain, on ne va pas s’en sortir. »
« Je ne vois pas où était l’urgence »
D’autres élus ont tenté d’ouvrir le débat sur le contenu de feu le “Plan d’urgence logement”. Sans grand succès. Romaric Magras, pour Saint-Barth d’Abord, s’y est toutefois essayé. Après avoir, fort à propos, remarqué que « rien n’a été fait en un an » depuis le vote du plan, il dresse la liste des propositions qui ont été reportées par les élus. Suit un échange avec Maxime Desouches avec, entre les deux, un président qui tourne la tête de droite à gauche tel un spectateur de Roland-Garros. « Je ne vois pas où était l’urgence puisque rien n’a été fait », insiste Romaric Magras.
Première vice-présidente, Marie-Hélène Bernier y va aussi de son constat. « On a fait notre campagne en 2022 sur une volonté de freiner l’urbanisation, tout le monde se plaint du fait qu’il n’y a pas assez de logement pour les gens qui vivent sur l’île, alors qu’est-ce qu’on attend ? » Pas de réponse. Ou plutôt si, une, formulée par la troisième vice-présidente, Marie-Angèle Aubin. « Il est temps de se mettre tous autour d’une table pour travailler sur la question du logement. » Venant d’une élue qui effectue son troisième mandat au conseil territorial, la proposition est, à tout le moins, savoureuse.
« Peur de prendre des décisions »
Plus direct, comme à son habitude, le conseiller Dimitri Lédée interroge l’assemblée : « Il faut penser à ce que l’on va laisser. Posons-nous la question. On est tout le temps en train de tourner en rond parce qu’on a peur de prendre des décisions. » Une nouvelle salve de propositions et de mesures diverses et variées est lancée. Sans plus d’enthousiasme ni de conviction. En réalité, une seule n’est pas formulée clairement : celle de faire évoluer le code de l’urbanisme, de l’habitation et de la construction.
Décidé à sortir de son habituelle discrétion, le conseiller Olivier Gréaux prend la parole. Avec une intention limpide : celle de mettre au jour les incohérences du “Plan Urgence logement” et de la délibération. Il mentionne notamment le « flou artistique » sur la notion de résidence secondaire. « Normal, on n’a pas de code du logement », ironise-t-il avant de poursuivre : « On cherche à mettre en place des règles qui n’existent pas en urbanisme. » Et de compléter, au sujet du surseoir à statuer : «Il n’existe aucune base claire et définie qui permet de l’utiliser. C’est selon l’humeur du jour ? La tête du pétitionnaire ? » Des questions qui restent sans réponse véritablement convaincante.
En conclusion, lors du vote, les six élus du groupe présidentiel (Xavier Lédée, Marie-Angèle Aubin, Mélissa Lake, Olivier Gréaux, Caroline Maurel et Fabrice Querrard) se prononcent contre la prolongation du plan, les six d’Action-Équilibre (Marie-Hélène Bernier, Bettina Cointre, Maxime Desouches, Pascale Minarro Baudoin, David Blanchard et Dimitri Lédée, Jonas Brin étant absent) votent pour et les cinq de Saint-Barth d’Abord (Romaric Magras, Micheline Jacques, Francius Matignon, Rudi Laplace et Sandra Baptiste, Alexandra Questel étant absente) s’abstiennent.
L’urgence attendra.
Trop de monde sur l’île ? Des constructions annoncées |