Saint-Barth -

Le plan de la Collectivité pour dépister plus massivement la population

« L’objectif, c’est de rassurer la population et obtenir la levée du confinement », résume Bruno Magras. Le conseil territorial a débattu samedi matin du projet de dépistage de l’ensemble de la population de l’île. Deux millions d’euros ont été débloqués à cet effet.

 

Avec une enveloppe de deux millions d’euros inscrite au budget, «nous avons vu large », souligne Bruno Magras. Le Président a détaillé au conseil territorial, réuni en urgence ce samedi matin, le projet de dépistage de la totalité des habitants de l’île.

 

« L’objectif, c’est de rassurer la population, et d’obtenir du gouvernement la levée du confinement », résume-t-il. «Pour cela il faut que les tests soient fiables et que les analyses derrière soient correctement effectuées ».

Solutech a déjà rendu un rapport aux élus sur les systèmes de dépistage existants, afin de mettre en lumière celui qui serait le plus adapté à l’île. L’entreprise dirigée par Antoine Querrard a été choisir pour son travail de gestion de crise après Irma, ses compétences technologiques et en traitement de données.

 

Seize tests par heure

Saint-Barthélemy projette de recourir à des machines Cepheid GeneXpert, à 110.000 euros pièce, qui revendiquent seize tests par heure, avec des moyens humains restreints. Le prélèvement se fait par le nez grâce à une sorte de long coton-tige. Chaque machine présente les avantages d’être petite, mobile, et simple d’utilisation. Il faut ajouter à ce montant le coût de chaque test, établi à 40 euros.

 

Les élus ont voté pour leur acquisition, encore faudra-t-il les obtenir : Saint-Barthélemy n’est sûrement pas le seul territoire du monde à vouloir s’en doter, et les volumes seront assez faibles. Il faut se positionner au plus vite, d’autant plus que le temps de livraison peut être long. Une part de risque demeure donc sur la mise en œuvre de ce projet. Et une fois sur place, il faut compter quasiment un mois pour tester 10.000 personnes, si les capacités sont à leur niveau optimal. 

 

Un protocole sera mis en place sous la direction de l’ARS. Il n’est pas encore défini, mais il commencerait a priori par les personnes symptomatiques, puis les soignants, les professionnels exposés, et enfin la population dans son ensemble, si elle est volontaire. « Le protocole n’est pas encore totalement défini. On va commencer par tester des tranches de population. Selon les résultats que nous obtiendrons, nous verrons s’il convient d'élargir à l’ensemble », expliquait Valérie Denux, directrice de l’ARS, le 3 avril sur Radio Saint-Barth. 

 

Recherche d’anticorps

La population pourrait être testée par un système de “drive”, et à domicile pour les personnes âgées ou ne pouvant pas se déplacer, grâce au concours du laboratoire Bio Pôle Antilles.

 

Une campagne de recherche d’anticorps est également suggérée, par prise de sang ou piquage au bout du doigt, effectuée par le laboratoire. Le but étant de détecter les personnes qui ont été contaminées et guéries sans forcément le savoir, afin d’estimer un taux d’immunité de la population de l’île. Toutefois, à ce jour, les scientifiques ne sont pas complètement certains que le fait d’avoir eu le coronavirus immunise complètement l’individu.

La population serait testée gratuitement, et la Collectivité travaille sur la possibilité de se faire rembourser une partie du coût des tests par la sécurité sociale, ce qui est incertain à ce jour.

 

Le risque pour Saint-Barthélemy, c’est que le temps d’acheter et de faire venir ces automates, puis de tester tout le monde, l’évolution de la crise sanitaire mondiale modifie les besoins et les urgences. L’autre risque, c’est la fiabilité limitée de ce dépistage, à environ 70%. « Mais il n’existe pas de solution miracle, aucun test n’est à 100% garanti actuellement », argue Bruno Magras. « L’urgence, c’est de faire redémarrer la vie dans l’île. Et si nous n’apportons pas notre pierre à l’édifice, nous ne pourrons pas revendiquer quoi que ce soit. Le plus important, c’est de démarrer les tests pour redémarrer au plus vite l’activité.»

 

Deux millions d’euros

La délibération a été adoptée samedi à l’unanimité. Elle autorise le Président à confier le marché à la société Solutech, sans passer par la case appel d’offres puisqu’il s’agit d’une “situation d’urgence impérieuse”. Et de changer une ligne dans le budget primitif adopté le 20 mars : les élus ont retiré 500.000 euros qui avaient été affectés à la ferme pédagogique, et 1,5 millions à l’électrification et renforcement des réseaux, pour les concentrer sur le plan de lutte contre le Covid-19. «C’est une ligne budgétaire de 2 millions d’euros, il n’est pas dit qu’ils seront dépensés», souligne Bruno Magras.

 

Cette campagne de tests répondra en tout cas à une forte attente de la population, qui a le sentiment que l’accès au dépistage est trop restreint. 

 

Samedi 4 avril, jour du conseil, il ne restait que deux cas avérés de coronavirus sur l’île. Les quatre premières personnes contaminées sont guéries, ce qui signifie qu’elles ont été testées deux fois de suite négatives au virus. Selon Patrick Bordjel, élu Unis pour Saint-Barthélemy et médecin de profession, une trentaine de tests aurait été effectuée sur notre île depuis le début de l’épidémie.

 

« On a le sentiment que le virus circule ici de façon moins importante qu'ailleurs», avait expliqué Valérie Denux, directrice de l’ARS, vendredi 3 avril sur Radio Saint-Barth. « Par ailleurs, la population n'est que de 10.000 habitants, et le territoire est bien fermé. Il semble donc plus facile de maîtriser ici la situation. (…) Le protocole doit être très clair et précis pour déboucher sur une stratégie de déconfinement. Nous en tirerons tous les enseignements pour, ensuite, l’appliquer éventuellement à l’archipel. »

 

Car outre le fait d’avoir une vision précise de la propagation du virus sur notre île, et donc de pouvoir prendre des mesures adaptées, cette expérimentation pourrait servir ensuite aux territoires voisins. Bruno Magras a indiqué samedi avoir déjà été contacté par un “think tank” de Sint-Maarten, très intéressé par l’expérimentation. « C’est plus facile pour Saint-Barth, car nous sommes actuellement 9.000 et avons des frontières bien définies. Mais si notre démarche aboutit et réussit, nous pourrons bien sûr en faire profiter Saint-Martin », indique le Président. De même, à chaque nouvelle suspicion de cas de Covid-19, le patient serait immédiatement soumis à un test et rapidement fixé. Et, plus tard, les tests pourraient servir pour les entrants dans l’île.

 

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Un demi-million pour de futurs contrôles

Un amendement déposé par les élus Saint-Barth Autrement a été adopté à l’unanimité par le conseil territorial samedi : il ajoute une ligne budgétaire d’un demi-million d’euros, dédiée au futur contrôle des entrées sur l’île. Si les tests sont mis à disposition des arrivants, il faudra également à ces derniers un lieu où s’isoler plus ou moins longtemps. Maxime Desouches, qui a défendu l’amendement, pense surtout à des contrôles des bateaux qui entreraient au port de Gustavia sans permission. « On a des bateaux qui circulent d’une île à l’autre. Le problème n’est pas au port et à l’aéroport mais sur l’ensemble de l’île. L’Etat étant complétement déficient dans de nombreux domaines, si nous ne mettons pas du personnel, ou un radar qui surveille les bateaux qui transitent, cela n’aura pas de sens. » « Les frontières, c’est une compétence qui relève de l’Etat et pas de la Collectivité », rappelle Bruno Magras. « Le problème du contrôle, c’est de vérifier si l’habitant qui revient reste bien quatorze jours confiné. Mais comment faire cela ? Personne n’acceptera un surveillant dans sa cour. Les gens doivent faire preuve de responsabilité. »

 

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 Bettina Cointre inquiète pour les voyageurs malades

Elue Tous pour Saint-Barth, Bettina Cointre demande si la Collectivité peut agir pour que les personnes qui voyagent pour raisons de santé soient mieux protégées. « Y a-t-il une possibilité au niveau de la Collectivité d’assurer le transport des personnes qui voyagent pour raisons de santé ? Actuellement ils voyagent avec les autres personnes autorisées ; on a des gens qui voyagent pour suivre leurs traitements en Guadeloupe, et se retrouvent dans des avions pleins, à vingt centimètres des autres, sans masque, sans gant. Je trouve ça un peu aberrant. » « Il faudrait approcher la CPS », répond Bruno Magras. « Air Antilles a une obligation de protéger sa clientèle comme ses salariés », note Xavier Lédée.

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Patrick Bordjel remonté

Le colistier de Xavier Lédée, Patrick Bordjel, habituellement discret en conseil territorial, était remonté samedi matin. Et pour cause : médecin gynécologue de profession, il est en pointe sur le domaine de la santé. «Nous sommes quinze médecins libéraux sur l’île, dont dix généralistes, et on n’a jamais été contactés par personne sur ce projet », s’agace-t-il, non sans saluer une « bonne initiative ». «Pour que des avis soient pris, il faudrait déjà que les violons soient accordés », tacle Bruno Magras. « De toute façon, ce n’est pas le conseil territorial qui va décider demain de prendre des décisions dans le domaine de la santé. Chacun ses compétences. » Patrick Bordjel tique, assurant que les médecins sont tous d’accord et qu’il n’y a pas de mésentente sur le sujet. « En quarante ans de métier, je n’ai jamais vu autant de questions sans réponse. On ne sait rien sur ce virus, et il faut comprendre cela aussi. » L’élu Unis pour Saint-Barthélemy attire aussi l’attention sur un risque: « La pertinence de la généralisation des tests se discute, parce que tu vas avoir des gens qui sont testés négatifs et après vont dire : “Je fais ce que je veux”. » C’est aussi le discours tenu par l’ARS (JSB 1369). Il faudra rester prudent : on peut bien évidemment être négatif un jour et positif le lendemain, et les tests sont faillibles. « Le calcul sera très compliqué pour se déconfiner », prévient Patrick Bordjel. Quant à l’achat de ces machines de test, pour lui, il est évident qu’il « faut le faire. On ne sait pas combien de temps ça va durer. L’épidémie est entrain de revenir en Chine. La grippe espagnole a duré deux ans… »


JSB 1370

Journal de Saint-Barth N°1370 du 08/04/2020

Le plan de la Com pour tester la population
Plus de 1.900 personnes au chômage partiel

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