Échanges tendus au conseil territorial concernant la réhabilitation de l’étang de Saint-Jean. La finalisation des travaux nécessite un apport supplémentaire de 500.000 euros. Plusieurs élus critiquent surtout des décisions prises sans tenir compte des avis des différentes instances.
La délibération n°3 du conseil territorial du 14 septembre portait sur une modification budgétaire : certains projets ont été retardés, d’autres ont pris du galon. Des transferts de crédits des premiers aux seconds sont nécessaires.
Une ligne fait réagir Bettina Cointre, tête de liste Tous pour Saint-Barth, et Hélène Bernier, Saint-Barth Autrement. Le budget réhabilitation de l’étang de Saint-Jean nécessite d’être abondé d’un demi-million d’euros, « afin de finaliser l’opération et réaliser notamment le board walk côté nord ».
« On a eu une commission environnement qui a étudié cette possibilité et a donné un avis défavorable à la construction d’une passerelle côté nord », rappelle Bettina Cointre. « Je suis un peu étonnée de voir que finalement cela a été mis en place, et pour une somme de 500.000 euros. J’ai du mal à voir pourquoi cette partie est prioritaire, surtout que la commission s’était prononcée contre. » « Pour plusieurs raisons », répond Bruno Magras, « d’abord parce que lorsque la commission a pris cette position, des engagements avaient été pris ; dans le cadre du partenariat public-privé, les partenaires avaient demandé à ce que le board walk fasse tout le tour. Deuxième point, les services techniques avaient déjà commandé le matériel quand la commission a été convoquée. Troisième point, avant le cyclone, on pouvait considérer que le board walk allait abîmer la mangrove qui se situe sur le côté nord de l’étang ; après le cyclone il n’y avait plus de mangrove sur le côté nord. Le dernier point c’est la décision de faire un îlot central, plus protecteur pour les oiseaux, qui n’était pas prévu au début. Etant entendu que nous avons toujours la possibilité d’interdire l’accès en période de nidification si nécessaire. Encore que, quand vous y allez, les canards sont à deux mètres... »
Les spécialistes unanimement contre
Pourtant, une réunion a été organisée le 17 avril 2018, bien après le cyclone Irma donc, en présence de tous les acteurs du projet.
Et selon le compte rendu de ce rendez-vous, Jean-Jacques Rigaud, président de l’Association de protection des oiseaux, Gilles Leblond, ornithologue membre du comité scientifique, et Olivier Raynaud, directeur de l’ATE, étaient unanimes pour déconseiller la construction de ce board walk côté nord. Gilles Leblond avait d’ailleurs expliqué qu’un projet similaire réalisé en Martinique avaient été « un échec total » pour la population d’oiseaux. Les échanges des personnes présentes ce jour-là auguraient déjà de la grogne au conseil territorial de vendredi: Sophie Durand-Olivaud avait rappelé que les élus du conseil exécutif étaient les seuls à pouvoir décider. Micheline Jacques que l’avis de la commission restait purement consultatif. Ce à quoi Jean-Jacques Rigaud avait répondu : « Si le conseil exécutif ne suit pas l’avis de la commission, c’est qu’elle ne sert à rien. »
Au conseil territorial, Hélène Bernier s’énerve : « Ce que je vois c’est que l’on tient pas compte de l’avis de l’ATE, on ne tient pas compte du conseil scientifique. Le conseil exécutif est là pour décider, mais ce soir c’est le conseil territorial qui décide. Donc là, on est en train de voter 500.000 euros pour un board walk côté nord qui est fini. »
« Il ne faut pas s’étonner non plus, les commissions sont là pour proposer et le conseil exécutif pour décider », rappelle encore une fois Bruno Magras, qui assure avoir consulté lui aussi Olivier Raynaud, ainsi qu’une scientifique américaine, Deborah Brosnan, qui tous deux n’ont pas vu d’objection à l’idée de la passerelle sur tout le pourtour de l’étang.
Un projet à plus de six millions d’euros
La tête de liste Saint-Barth Autrement enfonce le clou : «Aujourd’hui on a dépassé les 4,5 millions d’euros pour cet étang. Jim Boos (représentant Roman Abramovitch, qui finance une partie du projet, ndlr) en est à 500.000 dollars pour cet étang ; l’Eden Rock a dépensé 1,2 million pour les pipes. Cela nous fait aux alentours de 6,5 millions. On peut continuer à rajouter du crédit, mais à un moment, il faut se fixer à un plan pour cet étang, ça fait quatre fois qu’on change. » « C’était un marécage que nous sommes en train de réhabiliter totalement. C’est vrai que la biodiversité coûte cher, mais il faut savoir ce que l’on veut », rétorque le Président. Hélène Bernier : « Je suis pour réhabiliter les étangs, mais je ne suis pas pour faire n’importe quoi. M. Matthews, de l’Eden Rock, vous a demandé à vous M. le Président de faire ce board walk, au mépris de l’avis de tout le monde. On a l’ATE que l’on n’écoute pas, on a un conseil scientifique que l’on n’écoute pas, on écoute M. Matthews ! C’est bien ! »
Si aucune règle n’a été enfreinte, la question est la suivante : pourquoi la commission environnement, l’ATE et l’ornithologue Gilles Leblond ont-ils été sollicités sur un aménagement qui était déjà décidé ? « Il faut que Mme Jacques se renseigne avant de nous réunir pour donner un avis sur des décisions déjà prises, car cela ne sert absolument à rien », tacle Bettina Cointre. Maxime Desouches en rajoute une couche: « On ne peut pas demander à des commissions de travailler sur des dossiers, de donner des avis, pour ensuite s’asseoir dessus. C’est un simple respect du travail qui a été fait. » Micheline Jacques était absente vendredi.
Le conseil territorial a voté en faveur de la modification budgétaire, sauf Bettina Cointre, Hélène Bernier, Maxime Desouches et Ernest Magras. Ce dernier se disant favorable à un sanctuaire dépourvu de toute présence humaine, afin de préserver la quiétude des oiseaux, quitte à installer des longues vues alentour pour l’observation de la faune.
La réhabilitation de l’étang de Saint-Jean, lancée en 2015, doit aboutir dans le courant du mois d’octobre. Avec sa passerelle côté nord.
JSB 1295