Crise du logement, construction, code et carte de l’urbanisme. Tels ont été les sujets abordés lors de la réunion du Conseil territorial qui s’est tenue le jeudi 13 juillet en l’hôtel de la Collectivité. Pour les élus, il s’est agi de se prononcer sur des mesures visant à lutter contre l’expansion urbaine qui semble être au cœur d’une grande partie des maux de Saint-Barthélemy. Celles-ci impliquent notamment l’instauration d’un sursis à statuer qui permettra aux membres du conseil exécutif de suspendre les demandes de permis de construire pendant une durée d’un an. La délibération prévoyait un délai de deux ans mais celui-ci a été ramené à un an sur une proposition de Romaric Magras, le chef de file du groupe d’opposition Saint-Barth d’Abord. Une suggestion à laquelle le président Xavier Lédée s’est dit « plutôt favorable ».
Cette durée d’un an correspond au temps dont la commission d’urbanisme dispose pour élaborer un projet global destiné à intégrer des points de réglementation spécifique au code de l’urbanisme. Avec pour objectifs principaux de remédier à la pénurie de résidences principales, de limiter le nombre de nouvelles constructions ainsi que les projets dont l’amplitude pourrait contribuer à aggraver à la fois la saturation de l’île et la crise du logement.
« Pas d’interdire tout mais trouver un équilibre »
Si aucun élu n’a exprimé de réticence à freiner le rythme de la construction immobilière, de nombreuses questions ont toutefois été posées afin de mieux cerner le fonctionnement du sursis à statuer. Une première réserve sur cette mesure a d’ailleurs été formulée par le CESCE (Conseil économique, social, culturel et environnemental) dans l’avis rédigé en amont de la séance. « Il ne doit pas être systématique », s’est-il inquiété. Un point sur lequel le président Lédée a immédiatement tenu à rassurer les élus. « Le recours au sursis à statuer se fera avec minutie et réflexion », a-t-il affirmé, après avoir souligné le fait que « 376 permis de construire sont actuellement en cours de validation et 575 certificats d’urbanisme sont opérationnels et en cours de validation également ». Le travail dans ce secteur d’activité ne devrait donc pas manquer, comme le sous-entend le président en remarquant : « Nous avons une cinquantaine d’architectes sur l’île pour environ mille projets. »
Pour Maxime Desouches, quatrième vice-président, «l’augmentation du prix du foncier et de la construction est un problème pour l’avenir de la population de Saint-Barthélemy ». L’élu estime que s’il est « important de faire baisser cette pression sur le territoire », cela prendra du temps. Il explique : «Ce soir, on n’est pas là pour arrêter des règles mais pour lancer une étude. Il est important que l’on arrive à recadrer les choses. Le but n’est pas d’interdire tout mais de trouver un équilibre. Donc de trouver des règles plus adaptées. » Précisément, c’est sur ces « règles plus adaptées » et la méthode pour les établir que portent les principales interrogations.
« Il nous faut un diagnostic global »
Romaric Magras souligne que son groupe est « favorable pour maîtriser l’urbanisme », néanmoins il estime ne pas distinguer « d’orientations concrètes » pour illustrer la réalisation du plan d’urgence. « La révision de la carte de l’urbanisme crée beaucoup d’inquiétude et d’attente, insiste l’élu d’opposition. De plus, si on s’attaque aux résidences secondaires et touristiques, on s’attaque aux revenus de la Collectivité. » En outre, il rappelle que sur les 1.600 projets de construction comptabilisés par la Collectivité depuis quinze ans, un grand nombre « a permis aux Saint-Barths de payer des études à leurs enfants à l’extérieur de l’île, de développer le tourisme, sans oublier le passage d’Irma ». Le conseiller souligne également le fait que des propriétaires qui louent leurs biens « ont eu de mauvaises expériences » avec des locations à l’année et privilégient désormais la location touristique, voire le Airbnb. Xavier Lédée indique alors que ce dernier système de location va faire l’objet d’une étude dès la rentrée de septembre.
Troisième vice-présidente, Marie-Angèle Aubin exprime également quelques réserves quant à la méthode. Elle considère préférable de « travailler sur l’existant », et précise : « Aujourd’hui, on n’a pas de données sur la location saisonnière, qui va de la chambre (en réalité du canapé, ndlr) à la villa de luxe. Et on n’a aucune donnée non plus sur la location à l’année. Il nous faut un diagnostic global. » Un avis auquel Maxime Desouches réplique en évoquant l’urgence de la situation. « Si on ne s’attaque pas au problème, il sera le même dans un an et dans deux ans aussi », lance-t-il. Néanmoins, des incertitudes demeurent quant à l’utilisation du sursis à statuer.
« Un moyen de se donner du temps »
Ainsi, Mélissa Lake remarque : « On va donc avoir un sursis à statuer sur un diagnostic que l’on n’a pas. » Philippe Baffer, ancien chef du bureau de l’urbanisme au sein du ministère de l’urbanisme et désormais consultant spécialisé, s’efforce alors d’apporter un peu de clarté dans le débat. Il explique, notamment vis-à-vis de l’application du sursis à statuer en l’absence d’un diagnostic préalable sur la situation réelle : « C’est pour ça que c’est un sursis et pas une interdiction. Il intervient en attendant qu’une politique soit définie. Ce n’est pas un refus de permis mais un moyen de se donner du temps. »
Après de longs échanges, et malgré quelques évidentes incompréhensions sur la mise en application du sursis à statuer, la délibération est adoptée par les élus du Conseil territorial. Il en va de même pour la modification du code de l’urbanisme, de l’habitation et de la construction qui portait sur l’ajout de l’obligation d’un contrôle du local d’implantation dans la procédure d’autorisation d’ouverture. Ce, afin de vérifier que ce dernier a bien reçu les agréments d’urbanisme exigés par le code. Enfin, les élus ont adopté l’ajout d’un article au code de l’urbanisme qui permet d’établir différentes règles au sein d’une même zone en fonction de la destination des constructions (habitation, hôtel, restaurants, commerces, bureaux, etc.).